Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/258

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Il y avait un strapontin contre la cloison de la baignoire, un strapontin qui pouvait servir de marchepied. Par-dessus la main courante de velours, Fougères s’élança follement, et, sautant à la gorge de Barrier, le maîtrisa d’une étreinte irrésistible. La lutte ne dura qu’une seconde. Des loges voisines, du couloir, de l’orchestre, vingt personnes accouraient déjà, séparaient les adversaires. Tout de suite, le calme succéda au tumulte. Et Fougères, redevenu immédiatement correct, tendit une carte à Barrier :

— C’est bon ! — grogna celui-ci, — nous nous battrons !

— Dès demain matin, si cela ne vous dérange pas trop, — proposa Fougères, avec une politesse extrême ; — car, demain soir, j’ai un rendez-vous urgent…

Il s’interrompit, songeant tout à coup qu’après le scandale de ce duel, le rendez-vous dont il parlait risquait fort d’être sans objet.

— Bah ! — conclut-il en lui-même.

Et, se retournant vers mademoiselle de Retz, il ne résista pas au plaisir de ridiculariser davantage encore l’infortuné Barrier :

— Je vous reconduis chez vous, n’est-ce pas, ma chère ?…


À la porte de la baignoire, M. Pantalon, astrologue, chiromancien, caricaturiste et bohème, montra son chapeau haut-de-forme, sa mine rubiconde et ses yeux effarés, à l’instant que Fougères et Carmen, au bras l’un de l’autre, quittaient la place.