Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/265

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Farouche, il se leva, marcha sur la malheureuse, la saisit par l’épaule, et la mit debout devant lui :

— Ah ! j’ai enfin compris !… C’est ce Fougères dont tu t’es amourachée là-bas ? Et c’est pour lui que tu as refusé l’autre, Barrier… Barrier, qui avait ma parole ?… Parbleu ! rien n’est plus simple !… Eh bien ? Tu es payée, à présent ? Il ne t’aime pas, ton Fougères ! Il ne t’aime pas, entends-tu ? Il aime Carmen de Retz !… Qui se ressemble s’assemble. Pour l’honnête femme que tu étais, j’avais, moi, choisi un honnête homme. Tu n’en as pas voulu. Tu as préféré un saltimbanque. Mais le saltimbanque, à son tour, ne veut pas de toi. Il préfère une créature de son espèce, une bohémienne, une femme à tout le monde. Oui ! il la préfère ! il s’est battu pour elle ; elle l’a suivi sur le terrain ; elle l’a relevé quand il tombait, – tu as entendu ce que racontait ton frère ? Et à présent, elle le soigne, assise à son chevet. Quand il sera guéri, ils se marieront ensemble. Parfaitement ! Ils se marieront. Toi, tu restes pour compte !…

Il serra rageusement sa main, enfonçant ses doigts secs dans l’épaule douloureuse :

— Tu restes pour compte, ridiculisée, tachée, salie !… Ils te laissent sur le carreau, après t’avoir bien éclaboussée de leur scandale et de leur boue. Car ils parleront, ils jaseront, ils baveront ! Ils ont déjà bavé, trop heureux de déshonorer une famille honorable ; ils ont déjà tout dit ; et je m’explique les mines hypocrites et radieuses de tous mes concurrents, de tous mes ennemis, tous accourus chez moi, cet après-midi,