Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/269

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trois sauts la chaussée, s’élança sur le quai, dévala jusqu’au chemin de halage, et fit seulement halte au bas de l’escalier de pierre qui plonge ses dernières marches dans le Rhône même…

Le Rhône, tumultueux et trouble, grondait.

Entre les digues, dans le creux où coulait le fleuve, le brouillard s’était entassé plus opaque et plus humide. L’eau bouillonnante roulait sous une voûte de vapeurs immobiles, dont le poids semblait écraser le courant. On ne voyait ni rive, ni pont, ni bateau, rien que la brume grise et que le flot jaune, où s’enfonçait l’escalier glissant.

Mademoiselle Dax descendit une marche, puis une autre : contre sa cheville, une vague clapota…

Allons !… trois pas de plus, et tout serait fini. Il ne fallait qu’un peu de courage. Le Rhône rafraîchirait ce front trop brûlant de fièvre, calmerait ce cœur affolé qui se déchirait à force de battre… Un peu de courage !… Il suffisait de se laisser aller, mains jointes et paupières closes… Et on ne souffrirait plus, et il n’y aurait plus de maison hostile, ni de père haineux, ni de mère mauvaise, ni de fiancé traître… Il y aurait la mort pitoyable et prompte, et le bon Dieu, le bon Dieu trop bon et trop juste pour en vouloir à une pauvre petite qui se réfugiait en Lui… Il y aurait la mort, meilleure, certes, que la vie, cette vie où triomphaient des Diane d’Arques, tandis que les honnêtes filles étaient écrasées…

Mademoiselle Dax voulut descendre une marche encore Mais le Rhône glacé et le brouillard visqueux