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UN DRÔLE DE VOYAGE

de son coup d’œil, qu’elle entra comme un boulet dans bouche du dormeur, après en avoir fait sauter toutes les dents de devant.

Mimile espéra un instant qu’il l’avait tué sur le coup. Il vit son ennemi se tordre de rage et de douleur et essayer d’arracher de sa bouche l’engin qui s’y était si violemment introduit. Mais tous ses efforts furent inutiles. Sa bouche était à la lettre enclouée comme eut pu l’être la lumière d’un canon.

Le maréchal-ferrant, appelé en toute hâte, put seul, à l’aide de fortes tenailles et grâce aux soins que trois des plus forts. Nez-Rouges de la troupe prirent de tirer la grosse tête de leur chef en arrière pendant que l’opérateur tirait en avant, le maréchal-ferrant, disons-nous, ne put qu’après des efforts réitérés opérer enfin la difficile extraction.

Quand l’opération fut faite, le grand chef, à jamais défiguré, bondissait de fureur comme un taureau sauvage.

Ses sujets s’étaient tous écartés de lui avec terreur. Il brisait tout ce qui se trouvait à sa portée, et ne sortit de cet état aigu que pour crier qu’on lui apportât une torche.

« Le feu ! criait-il, le feu ! le feu partout à la fois ! Mort à tous ces gueux ! »

Bientôt on vit la flamme monter tout autour du rocher, transformé instantanément en un immense bûcher. Déjà d’épais nuages de fumée l’entouraient jusqu’à son sommet.

Les sept Vilains-Museaux étaient demeurés impassibles, ils n’avaient pas bougé. Cette façon d’attendre la