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Page:Fatio de Duillier - De la cause de la pesanteur.djvu/45

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aux Elemens que par des livres entiers. Enfin une demonstration, qui s’étend à plusieurs Infinitez de cas et de véritez differentes.

Nostre Esprit pense à plusieurs choses à la fois. Il veut, il se souvient, il imagine, il est touché de ces propres Passions. En meme Tems il peut étre occupé d’un grand nombre de sensations, qui lui vienent par le Canal de plusieurs Organes. Et voila deja une assez grande Etendue d’Action, que nous ne pouvous pas nous empecher de lui donner. D’autant plus que nostre Imagination peut exciter en nous ces sentimens, et d’autres plus considerables en dormant.

Mais si nous voulons entrevoir de quoi nous sommes capables, considerons que le sens de la Vüe, qui n’excite, dans notre Cerveau, que de Mouvements doux, qui ne le sçauroient blesser, nous decouvre en un Clin d’Oeil, de dessus une Montagne élevée, tout un Païsage tréz diversifié, par un nombre incroiable d’Objets, de Mouvemens, de Figures, de Couleurs, et de degrez de Force et de foiblesse de Lumiere: Laissant en meme Tems à l’Esprit le pouvoir de s’occuper ailleurs et d’ettre touché par tous les autres sens, et par les Mouvemens interieurs de nos corps. Et tout ceci nous arrive même pendant le Sommeil le plus profond.

Ainsi nôtre Esprit, étant un Jour détachés des Lieus, qui l’appesantissent, pourroit bien devoir capable, d’avoir en un Tems fort court toutes les Pensées et toutes les Perceptions, que nous ne pourrions avoir ici, que pendant une suite de plusieurs siecles, des quels il ne nous est pas permis de limiter le nombre.

Apres tout qui connoit l’Etendue de Pensée, que l’Auteur de la Nature peut donner, ou qu’il donne actuellement, à des Esprits ? Et qui auseroit en cela limiter le Tout puissant, et lui prescrire les Bornes, au de la des quelles il ne sçauroit s’étendre ? Qui cognoit assez la Force immense de l’Imagination, de la Volonté, et de la pleine persuasion ? Et avec quelle facilité l’Esprit humain, qui sçait bien se servir du Privilege d’étre fait à l’Image de son Dieu, peut puiser, même tandis que le Corps repose, dans les Sources les plus fecondes et les plus pures des Sciences, des Arts, des Secrets et des Mysteres de la Nature, tant corporelle que spirituelle. Qui connoit ce Privilege d’Operer les Miracles des Saints; de penetrer dans les Profondeurs de Dieu même, et d’ambrasser par ses desirs et par ses conceptions, jusques à l’Infini, et jusque à l’Auteur de toutes choses ? Mais les sages n’ont osé parler de ces Merveilles que d’une maniere obscure. Heureux qui peut entendre leurs écrits, et qui dans sa Jeunesse, est échappé de bonne heure au suite funeste d’une Education, qui abaisse l’Homme infiniment au dessous de sa propre Nature, et qui lui ôte même l’Esperance de se jamais relever d’un si grand aneandissement.


Avertissement.

La plûpart des choses contenues dans le discours precedant, auront sans doute perdu l’Agrement de la Nouveauté, à l’Egard de beaucoup de Personnes: