Page:Fauche - Le Mahâbhârata, tome 2.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
LE MAHA-BHARATA.

» Tu n’as qu’un seul fils, en bas-âge, une seule fille, vouée à la pénitence : je n’approuve pas que tu ailles le livrer avec tes enfants et ton épouse. 6223.

» J’ai cinq fils, brahme ; un d’eux ira pour toi et s’offrira en tribut au méchant Rakshasa. » 6224.

« C’est, répondit le brahmane, ce que je ne souffrirai pas, quelque désir que j’aie de la vie : je ne sacrifierai jamais à mon intérêt l’existence d’un brahme, mon hôte !

Ne voit-on pas dans les âmes vulgaires, ne voit-on pas dans celles, qui ne sont pas des plus vertueuses, un homme sacrifier sa vie et même celle de son fils pour sauver un brahme ? Ce d’abord à quoi il me faut penser, voilà mon sentiment, c’est au salut de mon âme. 6225-6226.

» Périr sous les coups de l’anthropophage vaut mieux pour moi que mourir de ma main ou causer la mort d’un brahme. Le brahmanicide est le plus grand des crimes : il n’est rien, qui puisse l’expier. 6227.

» Le suicide même est préférable, s’il n’est point accompagné d’une pensée de suicide. Je n’ai aucune envie de trancher moi-même le fil de mes jours, noble dame ; mais je ne suis en rien coupable d’une mort, qui m’est donnée par un ennemi. 6228.

» Au contraire, je ne vois aucune expiation pour cette mort, que j’aurais donnée intentionnellement à un brahme : ce serait une chose basse et cruelle. 6229.

» Rejeter de sa maison un malheureux, qui est venu s’y réfugier, donner la mort, à qui sollicite une assistance, dont il a besoin, est une cruauté blâmée par les sages.

» On ne doit jamais faire une action blâmable, ni rien de cruel, disent nos magnanimes devanciers, qui ont parlé sur les choses permises dans l’infortune. 6230-6231.