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le feu des roussi.

Cyprien Roussi n’était pas né à la Bonne Sainte-Anne du Nord ; mais comme tout jeune encore il avait perdu père et mère, le hazard l’avait confié aux soins d’un vieil oncle, garçon et esprit tant soit peu voltairien, qui avait laissé Cyprien pousser à sa guise, sans jamais s’en occuper autrement que pour le gourmander sévèrement lorsqu’il n’arrivait pas à l’heure du repas.

Pour le reste, liberté absolue.

Aussi, dès l’âge de vingt ans, Cyprien avait réussi à grouper autour de lui la plus joyeuse bande de lurons qui ait jamais existé, à partir du Château-Richer en remontant jusque dans les fonds de Saint-Féréol. Il était, par droit de conquête, le roi de tous ces noceurs, roi par la verve, par l’adresse, et par la force corporelle, car personne mieux que le petit Cyprien ne savait raconter une blague, adresser un coup de poing, décapuchonner avec une balle un goulot de bouteille, et vider en une heure les pintes et les chopines de rhum.

Sur lui, le mal de cheveux n’avait guère plus de prise que les Bostonnais sur les habitants de la bonne Sainte-Anne du Nord.

La nature n’avait rien épargné pour façonner au petit Cyprien une bonne et rude charpente.

Front haut et dégagé, œil fier et ferme sous le regard d’autrui, bouche agaçante et pleine de promesses, tête solidement assise sur un cou fortement planté entre deux larges épaules, poitrine musculeuse