Aller au contenu

Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

124
à la brunante.

le monde savait qu’il s’était montré humain, il réussit à captiver le cœur de ma grand’tante, et tous deux s’étaient mariés après la signature de la paix.

L’ordre était alors arrivé de licencier le régiment, et, comme le ménage n’était pas riche, chacun avait réuni ses modestes ressources, ce qui servait à faire fructifier un petit commerce qui allait tant bien que mal. De temps à autre, une poule glissait dans le pot-au-feu, et que pouvaient-ils demander de plus en ces temps de gêne ? Dans cette rue ils vivaient sans faste, sans bruit, craints et respectés par tout le quartier ; car si le capitaine Fraser était honnête homme, il en exigeait autant de tous ceux qui l’approchaient, et, pour être plus certain de son coup, il ne faisait jamais crédit.

Or, un jour, l’oncle Augustin était debout à la porte de son échoppe, la main passée chaudement dans la large ceinture en laine fléchée qui lui serrait la taille, selon la mode du temps.

Il faisait froid ; c’était en automne, et sans doute le Capitaine Fraser songeait que vers cette époque il chassait autrefois le chevreuil dans ses rudes et chères montagnes d’Écosse si lointaines maintenant, et pourtant si présentes à sa mémoire.

Autour de lui cheminaient en bandes joyeuses les gais voyageurs, qui s’en allaient passer l’hiver à trapper et à courir les bois et les solitudes de l’Ouest. Ce soir-là même, les bateaux devaient partir pour hiverner à Montréal : les anciens avaient pronostiqué une