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à la brunante.

— Mais c’est vous, capitaine Fraser, qui prenez vos aises, en parlant d’un pays que vous et les vôtres avez dévasté, pillé, incendié ; puis, en fin de compte, acheté et soldé. Dieu merci, vous ne nous avez pas conquis ; car il y avait de bonnes lames ici, ajouta M. de Lacorne, en frappant distraitement sur sa jambe gauche, croyant y rencontrer encore le fourreau de sa fidèle épée d’autrefois.

— Heureusement que je la connais, celle-là ; et je parierais que c’est encore le nom de ce pauvre capitaine de Vergor qui va revenir sur le tapis. Voyons, chevalier, de grâce, calmez-vous ! Nous ne sommes pas aussi ogres que vous le croyez envers vos compatriotes, et tenez, je veux bien vous faire une confidence. Moi qui vous parle en ce moment, j’ai fait une chose qui ne m’est arrivée de ma vie ; j’ai avancé sur crédit, et cela à un Canadien-Français !

— Pardine la belle affaire ! nous prenez-vous pour des escrocs de New-Market ; Dieu merci, nous payons nos dettes, nous ; le pays tout entier dût-il y passer.

— Vous serez toujours intraitable, chevalier, et pourtant, il va falloir m’écouter, car je me suis mis en tête de vous raconter mon histoire.

Et il se prit alors à dire à M. de Lacorne ce qu’il avait fait pour le pauvre Martial Dubé. À mesure que mon grand oncle parlait, le chevalier laissait échapper de nombreuses marques d’assentiment ; puis, quand il eut terminé son récit, il essuya furtivement une larme, et dit en se levant brusquement :