Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

138
à la brunante.

La terre ressemble dans nos climats du nord à l’homme vieilli ; l’une renaît et meurt sous les baisers du soleil ; l’autre, parti de l’enfance, s’en retourne vieux et chancelant par l’enfance, et l’une est un enseignement pour l’autre.

Or, après avoir donné ses ordres, mon grand oncle descendit vers un petit vallon, où coulait une source d’eau vive.

Il dut s’y rafraîchir. Une demie heure après, Pierre Touchet, qui guidait les bœufs, le vit reparaître et se diriger vers sa maison.

Il était pâli, et lui qui d’ordinaire marchait si alerte et si droit, il s’en allait distraitement, la tête penchée et les deux mains derrière le dos.

Pierre crut à quelque chose d’extraordinaire et, laissant là sa charrue, il se prit à le suivre à distance pour voir ce qui allait se passer.

M. Fraser gravit lentement les marches de son perron. Sa femme était précisément à la porte qui balayait l’entrée : il la baisa au front et, décrochant le cor qui lui servait à rappeler les hommes du travail, il se prit à le sonner vigoureusement.

Debout sur le seuil de son manoir, le capitaine Fraser ressemblait à une apparition de sa jeunesse disparue.

C’était ainsi qu’il devait sonner l’hallali du cerf, au fond des gorges sauvages de ses montagnes du Morven ; calme et impassible, c’était ainsi qu’il devait redresser sa haute stature sous la pluie de