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mon ami jean.

Nos assiettes n’étaient pas coûteuses : quelques feuilles arrachées aux érables qui poussaient, en famille sur la devanture de la maison paternelle. Nos doigts tout barbouillés servaient de fourchettes. La nappe se mettait sur nos genoux, et nous croquions frugalement les noisettes du bois voisin, tout en disant :

— Mademoiselle Joséphine, vous servirai-je de ce poulet ?

— Certainement, M. Henri ; je prendrai cette aile.

Et la plus grosse noisette de notre provision champêtre glissait en roulant sur la feuille d’érable.

— Mademoiselle Julie, disait Jean à sa blondette, désirez-vous une tranche de ce pâté ?

— Non, merci, répondait d’un ton gourmand la belle évaporée ; j’accepterai seulement un peu de ces confitures.

Et une deuxième noisette prenait solitairement sa place sur la petite feuille devenue le lot de la préférée de Jean.

Oh ! mes souvenirs de jeunesse, qui me rendra vos saintes naïvetés et vos heures de joies si profondes qu’alors elles nous semblaient éternelles ! Vous nous quittez bien vite pourtant ; et l’enfant grandit si tôt qu’il sait à peine la valeur des minutes roses qui s’en sont allées ! Il ne vous comprend que plus tard, lorsque devenu homme il s’essaie à remonter vers vous. Mais hélas ! la coupe en se vidant n’a laissé