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l’amiral du brouillard.

On était alors au 22 août 1711. L’Edgar, immobile sur le flot, semblait dormir, repu de toute cette ferraille qu’il s’en allait vomir sur notre pauvre ville de Québec.

Le capitaine Paradis aussi calme et aussi tranquille, fixait son œil terne et mélancolique sur un petit nuage blanc qui ne bougeait pas au fond du firmament.

Tout-à-coup le flocon blanchâtre fit un léger mouvement dans la direction du sud.

Un éclair passa dans le regard du prisonnier mais pas un muscle ne broncha.

En ce moment, l’amiral Walker, en robe de chambre, en pantoufles et sa longue-vue sous le bras, tapa familièrement sur l’épaule du père Paradis.

— Eh ! bien, capitaine, nous tenons le beau temps : votre présence à mon bord me porte chance, et si ce petit vent continue à fraîchir, j’espère pouvoir jeter l’ancre bientôt devant votre vieux Québec. Qu’en dites-vous ?

— M. l’amiral, il s’est perdu plus d’une ancre en face du cap Diamant.

— Bah ! Bah ! patriotisme creux que toutes ces phrases, capitaine ; et, si j’ai bonne mémoire, un de mes prédécesseurs, Kertk, n’a rien perdu là puisqu’il a tout pris.

— C’est vrai, cela, M. l’amiral ; mais il y allait, avec précaution, votre prédécesseur Kertk : il a dû