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à la brunante.

Les qualités de ma grand’mère se font rares en nos jours de politique et d’agiotage ; et si par hasard je vous avais déjà dit ce qu’elles étaient, il est bon que je vous le dise encore.

Dans notre famille, ma grand’mère a joué le rôle des grands génies vis-à-vis de l’humanité.

Douce, prévoyante, parole convaincue, ferme et ardente, excellent conseiller, dévotion évangélique, chez nous elle a tout conservé, tout embaumé sur son passage. Aussi, lorsque nous la nommons, nos voix tremblent, nos cœurs s’émeuvent, et à cette heure même, une larme coule sur ma joue et se mêle à ces lignes.

C’est que, voyez-vous, son lot sur terre n’a pas été ce qu’il y a de plus rose.

Nous étions dix à la maison.

Tout cela criait et mangeait plus que pauvreté ne l’exigeait. Tout cela avait besoin de louanges, de réprimandes, d’avis, de douces paroles, de pénitences et de bonbons, et Dieu merci ! rien ne nous a manqué de ces choses nécessaires, les bonbons inclusivement.

Quand, à travers les années, je me retourne vers mon enfance si lointaine et si joyeuse, je revois encore ma grand’mère, tricotant frileusement au coin de son feu et racontant à ses petits enfants réunis autour d’elle, les infortunes du Chaperon Rouge, les grandeurs de Peau d’Âne, la conduite