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à la brunante

— Allons donc, vas-tu te faire prier comme la fillette de ce ministre protestant que nous descendions en goëlette, l’été dernier. Avance, mon vieux, prends une cerise et lève la haussière.

La cerise eut pour effet de rappeler à Lizotte qu’il savait la chanson du 25 Avril.

Elle allait sur un air tendre et tout plein d’une mélancolie que je voudrais pouvoir rendre ici. C’était une complainte taillée à larges coups dans cette poésie un peu rugueuse qui va si bien aux gens de mer.

À quelle date remontait-elle ? Je n’en sais rien ; dans tous les cas, elle appartenait à une période antérieure à la conquête.

La voici, dans sa naïve simplicité, et je la donne avec d’autant plus de plaisir que je ne la crois pas connue :

Le vingt-cinq Avril ! je dois partir
Pour naviguer sur l’Amérique,
Bonne frégate populaire.
Quand nous fûmes enchaloués,[1]
       Fallut hisser pavillon blanc,
       Couleur de la France,
Ma belle, pour vivre en assurance.

  1. J’écris comme Lizotte prononçait ce soir-là. Évidemment,
    enchalouer vient du mot anglais shallow qui veut dire eau basse, batture, bas-fonds.

    Enchalouer n’est pas le premier anglicisme qui se soit glissé chez nous. Champlain, à propos de Kertk, n’écrivait-il pas ?
    — Étant acertainés de l’ennemi.
    Champlain, édition Laverdière, tome VI, p. 178.