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à la veillée.

mon genou et fis décrire une bonne courbe à son canon. Cinq minutes après, j’avais les cinq canards emplumés bec à bec et passés en sautoir sur mon dos.

— C’était un fichu fusil tout de même, reprit Bidou en rallumant une nouvelle pipe, et j’aurais été curieux de le comparer à celui que je chargeais avec des petites merises.

— Des petites merises, s’écria Jean Bart, dissimulant mal sa stupéfaction au fond de son verre.

— Oui ! oui ! des petites merises ! fit Bidou, l’imitant. Il y a un an, j’étais allé jusqu’à la savane du Grand-Brûlé. Les lièvres foisonnaient autour de moi, mais hélas ! j’avais oublié d’emporter du plomb. L’idée me vint, tout en grugeant des merises, d’en glisser quelques-unes dans le canon de mon fusil. Un lièvre passe : boum ! je le vois qui file, à triple vitesse, au milieu de ma fumée.

Un an après, il y a de cela quelques jours, j’avais affaire au deuxième rang : il me fallait passer par le même endroit ; car ça me donnait un raccourci, lorsque devant moi je vois un petit arbuste se mouvoir. Il y a du gibier là-dessous, que je me dis. V’lan ! je lâche mon coup et ne voilà-t-il pas que je trouve, quoi ? mon lièvre de l’année dernière avec une jeune pousse de merisier entre les deux oreilles. C’était un lièvre propriétaire, à ce qu’il paraît, et mes petites merises allaient parfaitement à sa constitution.

— Je n’ai pas d’aventure de chasse qui vaille la peine d’être racontée, à l’exception d’une toutefois,