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histoire de tous les jours.

Une classe émaillée ainsi d’interminables répétitions sur le cours de littérature de Le Franc, égayée çà et là par le rythme rustique de la poésie du Jardin des Racines Grecques, finit comme toute chose ici-bas, malgré le semblant d’éternité qu’elle peut avoir.

La sortie se fit à l’ordinaire, et pendant que la tapageuse cohue se bousculait à la porte, pour saisir à pleins poumons les premières bouffées de l’air du dehors, seul je restai en arrière.

En tête-à-tête avec le maître, je lui fis le récit de tout ce que j’avais pu saisir de l’abandon de Paul. Le grenier triste, froid, malsain, où le flot de la misère l’avait porté, les corvées exceptionnelles que lui imposait le pain de chaque jour, les longues nuits passées auprès de sa petite sœur, les rares moments laissés au travail de la classe, je n’oubliai rien de ce qui touchait à ce long martyre ignoré.

À mesure que se déroulait le poignant tableau, les yeux attentifs du professeur se mouillaient. Puis, lorsque je vins à lui dire toute la malice des élèves envers le pauvre garçon, ses larmes devinrent des jets de flammes.

— Ah ! les têtes folles, s’écria-t-il, je leur montrerai à penser ! et songeant tout-à-coup à la compromettante sensibilité qu’il n’avait pu me cacher, il me congédia en me disant :

— Paul est né aux Cèdres, près de Montréal ; j’écrirai ce soir au curé de l’endroit, pour me renseigner sur ses antécédents. Après cela nous verrons.