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histoire de tous les jours.

Son terme était soldé depuis plus d’une quinzaine, et Paul avait quitté la maison, sans rien faire connaître de sa nouvelle adresse.


III.


Je fus deux ans sans revoir Paul. Cela m’avait conduit à l’oublier. Pourquoi ne pas l’avouer ? la vie est ainsi faite.

Larmes et sourires naissent, fuient, s’effacent, reviennent et se succèdent pour disparaître encore, à mesure que va et vient la faux monotone du temps. Lorsque le vieux faucheur s’ennuie dans sa besogne, il cherche à s’égayer en saupoudrant les désillusions, l’indifférence, le doute sur nos cheveux blanchis. La couche légère d’abord, durcit, se cristallise sous la pression constante du lendemain succédant au lendemain. Peu-à-peu l’avalanche grossissante courbe notre tête ; les épaules se voûtent, et nous tombons, les uns à genoux, pour chercher dans l’obscurité la main de Dieu qui relève, les autres froissés et meurtris sous le poids de l’égoïsme, de la décrépitude et de la vieillesse, ces trois derniers hochets du maître.

Insensiblement ces deux vilaines années d’oubli mènent au bleu, puisque me voilà à dire des choses ennuyeuses comme un jour de pluie à Québec.