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les blessures de la vie.

Un matin en allant chez ma mère, je me croisai sur le trottoir avec un gros fournisseur qui s’était enrichi en donnant plus de dîners que de coups de truelles.

Je ne sais trop comment cela me mena à songer au bal qui avait lieu ce soir-là chez Madame Raimbault ; et en arrivant, je priai ma sœur de vouloir bien faire en sorte que Paul y fût invité.

À quatre heures, un billet rose et parfumé comme la main qui l’avait tracé était sur notre table.

En l’ouvrant, mon camarade crut à une mauvaise plaisanterie, mais avant que le feu fût aux poudres, j’entrai de plein pied en matière.

Je débutai en lui démontrant combien il serait difficile de se refuser à la délicate attention de Madame Raimbault. Je lui fis entrevoir les positions, les fortunes, je n’osai dire les mariages, qui s’étaient faits au milieu d’un bal : bref, je finis par enlever la place de vive force, en y laissant tomber le nom de Noémie, et il capitulait bientôt, acceptant comme condition le cadeau d’une paire de gants et d’une cravate, accompagné du prêt d’un habit de louage que j’avais eu le soin de me faire apporter.

Le soir Paul entrait au bal.

La lumière des lustres trahissait bien un peu son air timide ; mais en somme, comme il était joli garçon, cela pouvait passer à la rigueur, parmi les roués de salons, pour prendre de la pose. Dès son arrivée, il fallut subir les présentations d’usage.