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les blessures de la vie.

air féroce les pétales d’une rose, roucoulant devant cette marguerite improvisée, le vieux refrain des amoureux transis :

— On m’aime ! beaucoup, passionnément…

Dans un coin, un groupe féminin tirait à la cible sur la tunique et les décorations du major, faisant converger sur elles toutes les effluves possibles de la coquetterie.

Froid et impassible, il n’en continuait pas moins sa leçon de botanique, abandonnant dédaigneusement le soin de cultiver ces productions coloniales à un gros monsieur chevelu appuyé négligemment sur le manteau de la cheminée, de manière à faire ressortir les avantages de son buste.

Des prunelles veloutées de ce galant obèse semblait ruisseler quelque chose de si parfaitement ridicule, qu’elles me tinrent rivé à leur scintillement pendant quelques secondes, jusqu’à ce qu’un bruit sourd et caverneux vint me les faire oublier complètement.

Il provenait d’une autre espèce de monsieur — jaune cette fois — à l’encolure de gendarme incompris, qui, accoudé doucement sur le piano, fredonnait intrépidement quelque chose entre ses dents.

Tout-à-coup, sa voix se prit à détonner, avec la tristesse d’un ouragan, une douce romance qui se terminait par ce moelleux quatrain :

Une attachante rêverie
Rappelle à mon cœur ses amours.
Oui c’est à la mélancolie
Que je veux consacrer mes jours !