Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

79
le père michel.

toujours de bonne humeur, elle n’était pas fière du tout, cette fille-là.

Tous les soirs, quand les moulanges avaient été nettoyées, la farine bien empochée, et le moulin mis en ordre, l’oncle et moi, nous descendions au premier étage où étaient ses appartements.

Là, mon parrain lisait attentivement quelques vieux livres que lui prêtait le curé, pendant que le chat, couché sur ses genoux, filait gravement son ron-ron, les yeux à demi-fermés, observant et cherchant finement à deviner ce que Marguerite et moi pouvions nous dire si longuement auprès de la fenêtre du pignon qui regarde le fleuve.

Les amis venaient quelquefois nous voir ; mais, comme il fallait gravir la côte très-escarpée du moulin, ils choisissaient d’ordinaire pour leurs visites les soirées où il faisait clair de lune.

Je n’en étais pas fâché : cela nous laissait à nos délicieux tête-à-tête, où l’on causait si familièrement et où l’on se sentait si heureux.

Heureux ! je l’étais, mon cher Henri, et cela aurait duré toute ma vie, si les Anglais ne s’étaient pas avisés vers cette époque, d’interdire aux Américains le commerce avec la France.

Une déclaration de guerre s’en suivit, du moins c’est ce que vint nous dire, un bon soir, cette vilaine chouette de maître d’école :

— « C’est les Anglais reconquérir le prétendu États-Uni, nous dit-il, dans son français invalide :