Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

82
à la brunante.

— Tiens-toi les pieds chauds et la tête froide, disait le parrain ; c’est le principal, et, en suivant ce conseil tu reviendras au pays ; car la maladie tue plus sûrement que la balle.

— C’est toi ôter ton chaîne de montre, insinuait McIntyre, et le mettre dans le poche de ton veste, car ça brille, et les Rangers du Delaware tirer de loin, bien et très-juste.

— Oh ! me dit tout bas à l’oreille, Marguerite, ne portez rien de brillant sur vous, Michel ; car ça attire la mort. Le seul bijou que je vous permets est celui-ci.

Et elle me glissa au doigt un jonc d’or.

Cela voulait dire qu’elle se fiançait à moi ; et, tout embarrassé, je ne pus que me pencher vers la terre, comme si j’avais laissé tomber quelque chose, et tout en faisant semblant de chercher, lui effleurer la main du bout de mes lèvres.

Ces deux jours là passèrent vite, très-vite ; car Marguerite et moi, nous nous aimâmes pour le temps perdu.

En mon honneur le moulin chômait ; tous mes amis étaient venus, chacun son tour, me serrer la main et me dire adieu ; le curé m’avait envoyé un beau scapulaire ; tout le monde dans la paroisse avait pensé au pauvre conscrit, pendant qu’il se sentait si heureux auprès de sa fiancée.

Mais hélas ! le matin du terrible jour était venu !