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eût dit que la flotte anglaise faisait le siège de ces cayes moutonneuses. Bientôt un immense cri de détresse s’éleva et domina toutes ces détonations ; il fut suivi d’un éclat de foudre, et alors les gens de L’Edgar virent ce que n’a jamais vu l’œil humain.

Une gerbe flamboyante sortit du fleuve ; la colonne de feu monta dans les airs, luttant de force avec l’ouragan qui l’étreignait, et dans sa lutte échevelée, l’immense ruban rouge éclaira en serpentant le plus grand tableau d’horreur que puisse présenter la mer. Le tonnerre venait de tomber sur le vaisseau-poudrière. Aussi loin que la vue portait, le Saint-Laurent était rouge d’uniformes anglais. Partout des têtes vivantes se heurtaient contre des fronts morts, et des centaines de nageurs cherchaient à se délier de tout un monde de cadavres qui dansaient sur la crête des vagues. Au loin, sur l’Île-aux-Œufs, huit frégates éventrées recevaient dans leurs coques béantes les lames qui venaient s’y engouffrer.