Page:Faucher de Saint-Maurice - Promenades dans le golfe Saint-Laurent, 1886.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
116
LES ÎLES DANS

pour nous dire tout ce que nous avions vu et appris depuis une séparation de douze ans, il fallait subir les exigences de la consigne, et le laisser libre de son temps. Nous n’avions que cinq heures devant nous pour ravitailler ce phare. Mais avant d’aller sur la grève prendre livraison de ce que lui expédiait le ministère de la marine, Têtu donna des ordres pour faire préparer en notre honneur, une chasse aux homards.

Cette chasse se fait au moyen de chiens de Terreneuve qui plongent et vont à marée basse, chercher ces délicieux crustacés dans ces herbes marines que Denys appelait des plantins, et que les pêcheurs du golfe ont baptisées du nom de prairies à homards. Enfoncés dans d’énormes bottes sauvages, que l’on avait eu la complaisance de nous prêter, et armés chacun d’un panier et d’un bâton, au bout duquel était fixé un crochet de fer, nous cheminions dans l’eau et suivions de point en point les instructions de notre guide. Il fallait marcher à pas comptés et avoir l’œil vif, pour distinguer dans cette herbe verte qui suivait les ondulations de la mer, la carapace noire ou les longues serres de ceux que nous cherchions. En voyions-nous un : vite nous plongions notre engin de pêche pour tâcher de l’attraper. Mais prompt comme l’éclair, le crustacé nous avait dépassés d’un coup de queue, et la chasse était à recommencer, aux grands éclate de rire de notre guide. Celui-ci, plus expert, n’avait qu’à glisser hypocritement son croc sous le ventre de la pauvre bête, à la chatouiller quelques secondes, puis à l’envoyer rejoindre brusquement la douzaine et demie de camarades qui, tout abasourdis par leur changement de garnison, se livraient à la plus excen-