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LES ÎLES DANS

téger la ville du côté de la campagne, se levait au commandement d’un officier supérieur, et allait se boucler à de gigantesques supports. La batterie tournante qui en défendait l’entrée se mettait à tonner, comme aux jours de parade de jadis, et du côté de la mer, des corsaires taillés pour la course sortaient du port qui leur servait de nid, et se couvrant de toile, allaient courir sus à l’Anglais. Puis les mauvais jours arrivaient à tire-d’aile. Bigot qui devait débuter par la catastrophe de la flotte du duc d’Anville, pour finir par être si fatal à la Nouvelle-France tout entière, était là. Il enveloppait le malheureux Louisbourg dans les effluves de son mauvais-œil. Commissaire-ordonnateur de la colonie du Cap-Breton, il apportait déjà au règlement de la solde des hommes, ce manque de régularité qui, plus tard, devait le faire embastiller. La garnison se révoltait. Les suisses qui ne meurent bien que lorsqu’ils sont payés, déposaient leurs officiers, s’emparaient des casernes, ainsi que des magasins du roi ; pendant que l’ennemi profitant des divisions intestines, prêchait la guerre sainte, et faisant inscrire sur ses drapeaux les mots « Nil desperandum Christo duce, » venait mettre le siège devant la redoutable forteresse. Une lutte terrible s’engageait alors ; lutte étrange, où ces révoltés de la veille s’obstinaient à se battre et à mourir au nom de la France, tandis qu’à leur tour les officiers, ces chevaliers de Saint-Louis, dont pas un n’eût rougi d’orgueil à la pensée de tomber au champ d’honneur, — s’obstinaient par une fatale erreur, à se méfier de leurs soldats. Et, conséquence fatale ! Louisbourg la vierge, Louisbourg l’imprenable, tombait entre les mains d’une armée de paysans, commandée par