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LES ÎLES DANS

quer cette puissante membrure. Mais ici-bas, il ne faut douter de rien : si l’Océan a souvent de folles colères, souvent il présente aussi des ressources inattendues. Une pièce de mer vient frapper le steamer par le travers, lui fait violemment prêter la bande et le force à se relever.

Tout tremblant sous ce terrible coup de bélier, le Napoléon III frémit depuis la quille jusqu’au mât de hune. Bientôt on sent le pont glisser sous nous.

— Le Napoléon III remue ! s’écrie notre camarade Brault d’une voix formidable. Et cette exclamation partie du gaillard d’arrière arrive jusqu’aux vigies de beaupré.

— Vapeur en arrière ! commande aussitôt le capitaine. Qu’une escouade d’hommes descende à fond de cale reporter sur bâbord, les colis et les objets pesants.

Brault et Agénor Gravel prennent aussitôt le commandement de ces caliers improvisés ; dix minutes leur suffisent pour opérer ce branle-bas.

Les mécaniciens déploient encore plus de zèle, et à force de chauffer la machine, ils faillirent mettre le feu aux hunes et aux perroquets qui avaient été orientés de manière à profiter du vent de proue. Mais pendant que ces divers commandements s’exécutent, le malheureux steamer talonne et frappe plus que jamais. Sa membrure et ses courbes gémissent sous l’action frémissante de la lutte. La bande s’accentue de plus en plus à tribord, et déjà on recommence à désespérer du résultat, lorsqu’une vague énorme soulève le Napoléon III du lit de sable où il s’est tordu pendant cinq heures et dix