Page:Faucher de Saint-Maurice - Promenades dans le golfe Saint-Laurent, 1886.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
LE GOLFE SAINT-LAURENT.

anglais pour la piloter jusqu’à Québec. Walker épouvanté, se prit à dissimuler devant lui, assurant qu’il allait croiser dans la baie de Biscaye, et fit tout de même embarquer cet homme à bord du l’Humber, avec ordre de le bien traiter. Ce qui devait être du goût de ce nouveau Palinure car le colonel Vetch, donnant plus tard des notes sur le compte de ce transfuge, écrivait du détroit de Canso à l’amiral, que le pilote français lui faisait non-seulement l’effet d’un ignorant, d’un prétentieux, d’un cancre et d’un ivrogne, mais encore qu’il était sous l’impression qu’il tramait en sa tête rien qui vaille. Walker comptait beaucoup sur l’expérience de cet homme pour éviter les dangers de la navigation du Saint-Laurent, dangers que son imagination exagérait, au point de croire qu’une fois l’hiver venu, le fleuve ne formait, jusqu’au fond, qu’un bloc de glace. La lettre du colonel venait de détruire une de ses plus chères illusions.

D’ailleurs, les contrariétés continuaient à s’acharner sur le malheureux officier.

À peine en mer, Sir Hovenden s’aperçut d’une impardonnable distraction : le transport Mary avait été oublié à Catwater avec une partie du régiment du colonel Disney. Par une nuit d’orage, le mât de misaine du Monmouth fut emporté comme une paille. La marche de l’escadre se voyait continuellement retardée par les transports qui marchaient comme des sabots ; par tous les temps, il fallait leur faire passer péniblement des câbles de remorque. Dans un cas pressé, était-il urgent de communiquer avec le général Hill embarqué sur le Devonshire ? celui-ci souffrait trop du mal de mer pour s’occuper de choses sérieuses.

L’indiscipline se mit de la partie. Malgré la