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LES ÎLES DANS

servir de lest. À l’autre bout de l’île, à la pointe des Anglais, la cabane du père Ruel est pleine de bayonnettes, de bâches, de boulets et autres vieilles ferrailles, qu’il s’amuse à ramasser lorsqu’il ne pêche pas. Et, puisque vous êtes si curieux de ces choses, venez, avec moi jusqu’au phare : je vous donnerai un bout de baguette de fusil qui vient de l’Anglais, et que l’autre jour en seinant, nous avons ramené au plein.

Cette voix sympathique était celle de M. Paul Côté, l’excellent gardien du phare de l’Île-aux-Œufs.

Agénor ne se fit pas prier pour accepter ce morceau de cuivre tout rongé par le temps et par la mer. Il l’examina longuement : puis, après l’avoir retourné en tous sens, il le glissa flegmatiquement dans la fameuse sacoche, en nous disant sous forme de péroraison :

— Les bibelots du père Ruel, et ce bout de baguette de fusil, voilà peut-être tout ce qui reste maintenant pour raconter au passant la fin terrible de l’expédition de Sir Hovenden Walker. Si d’un côté l’histoire fut indulgente pour le marin anglais, et si quelques-uns de ses compatriotes, Smith entre autres, allèrent jusqu’à passer sous silence cette catastrophe, la légende s’empara de la navrante ballade, et c’est ainsi que la sœur Juchereau de Saint-Ignace écrivit plus tard que Sir Hovenden « craignant d’être mal reçu de la Reine fit sauter en l’air son navire quand il fut sur la Tamise. » Il est vrai que Charlevoix assurait à son tour « qu’il se brisa sur l’Île-aux-Œufs avec sept de ses plus gros transports. »

Puis après une pause :

— La première de ces assertions était sans doute suffisante pour donner libre cours à l’ima-