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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

discutant géologie, cet autre se plaignant de ce que la sensation du roulis le suivait jusque sur le rivage. Quant à nous, guidés par un domestique, nous allâmes visiter le phare, belle lumière de second ordre, dont l’appareil a été construit en 1856 par la maison L. Sautter, de Paris.

Cent neuf pieds séparent le sol de la girouette. Le foyer de la lanterne, qui donne une lumière fixe et blanche, est à 112 pieds au-dessus du niveau des hautes eaux. De la galerie de la tour, l’œil embrasse, par un temps calme, une des plus ravissantes marines du golfe Saint-Laurent. En temps de brume et pendant les tempêtes de neige, un coup de canon tiré d’heure en heure indique aux gens du large l’approche de la pointe ouest. En cas d’accident, un dépôt de provisions où se trouvent six barils de farine, quatre barils de lard, huit barils de pois et six paires de raquettes, est mis à la disposition des naufragés qui ne sont pas les seuls à en profiter, si l’on en juge par ce qui est arrivé en 1874. Une bande de Terreneuviens avait hiverné dans l’île, et s’étant laissée surprendre par la famine, vint défoncer à coups de hache la petite maison qui contenait le précieux dépôt. Pendant quelques jours ces écumeurs firent bombance aux dépens du gouvernement de la Puissance, se contentant de se bourrer l’estomac autant que possible et de rire aux larmes des légitimes remontrances du gardien.

Comme tout n’est qu’antithèse ici-bas, à quelques arpents du dépôt qui contient tout ce qui peut rendre à la vie, le voyageur égaré trouve aussi le champ du dernier repos. Dans ce petit cimetière, dort, entourée de ses trois enfants,