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éloquentes des Philippiques. Pour trouver d’aussi beaux mouvements de passion oratoire, il faut aller de Démosthène à Bossuet, et, si nous osions prononcer ici un autre nom nous dirions qu’il nous semble reconnaître par avance dans la voix véhémente de Pascal quelques-uns des accents de Mirabeau, dans ces grands jours de polémique et de tribune, où l’amour de la patrie purifiait à la fois son âme et sa parole.

Pascal, qui était entré dans la lutte pour venir en aide à ses amis de Port-Royal, la poursuivit bientôt pour son propre compte. Non content d'avoir vengé Arnauld des censures de la Sorbonne, il voulut à son tour attaquer les redoutables adversaires de Port-Royal, et il porta jusque dans le camp des jésuites le fer et le feu de sa parole.

A mesure qu’il étudiait les casuistes, il sentait davantage le besoin de porter secours à la morale en péril. Il fut éloquent, parce qu’à ses propres yeux il était l’avocat d’une grande cause. Il était profondément sincère, lorsque s’adressant aux jésuites, il leur disait : « Vous croyez avoir la force et l’impunité ; mais je crois avoir la vérité et l’innocence. » Il avait vu du côté du jansénisme des hommes éminents en piété, en science et en vertu ; du côté du jésuitisme, l’esprit de domination, ayant à son service le relâchement des mœurs et l’intrigue : c’était le sentiment du devoir qui le soutenait quand, du sein de la retraite où il s’était caché, dans une rue obscure du quartier Saint-Jacques[1], entre la Sorbonne et le collège des jésuites, il luttait, armé de son propre compte.

  1. La rue des Poiriers ; dans une auberge, à l’enseigne du roi David.