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BATELEUR. n. m. Au sens propre, on désigne sous le nom de bateleur la personne qui amuse le public, en plein vent, par des bouffonneries, des tours de force et d’adresse. Au sens figuré, le mot est employé pour désigner les politiciens et charlatans parlementaires qui s’efforcent de surprendre la bonne foi un peu naïve du peuple en lui promettant la lune ou en essayant de l’embrigader dans un parti. Ces bateleurs-là sont dangereux. Ce sont de vils commerçants dont le seul but est de duper leurs clients, en l’occurrence les électeurs. Leur échine souple leur permet toutes les volte-face. Leur manque de scrupules leur permet tous les reniements. Seule leur importe la satisfaction de leur ambition. La foule n’est pour eux qu’un tréteau qu’ils renverseront du pied quand ils se jugeront assez haut arrivés. Ils n’estiment dans le peuple qu’un instrument docile qu’ils arrivent, avec un peu de doigté, à manier au mieux de leurs intérêts. Certains, moins crédules que les autres, sourient en voyant les bateleurs développer leurs boniments. Il ne faut pas sourire, car l’arrivisme néfaste de ces intrigants est trop souvent la cause des pires catastrophes. Il faut les chasser du forum comme des malfaiteurs sociaux.


BATTAGE. n. m. Charlatanisme intéressé. Le battage est passé dans nos mœurs et s’emploie aujourd’hui en tout. Les commerçants s’en servent, dans leur publicité, pour vanter les qualités inexistantes de leurs produits et pour mieux voler les acheteurs. C’est à qui trouvera une méthode plus bruyante pour attirer l’attention du public. Mais ce n’est pas dans le commerce seulement que le battage règne en maître. C’est en politique qu’il atteint son plus parfait perfectionnement. Alors que dans le domaine commercial le battage permet d’écouler une marchandise inférieure, en politique il permet de placer une marchandise illusoire. À leurs victimes, les commerçants sans scrupules donnent toujours quelque chose, si peu que ce soit ; à leurs victimes, les politiciens ne donnent rien du tout… si ce n’est un peu de prison quand par hasard s’élèvent des protestations. Mais si, le marché conclu, les politiciens ne donnent rien, il faut reconnaître que tout d’abord ils n’ont pas été chiches de promesses. C’est là qu’intervient le battage. Pour séduire et berner leurs électeurs, ils ont recours à tous les moyens : discours pompeux faisant vibrer la corde sentimentale, diatribes enflammées contre les iniquités du jour, serments solennels, invocations des morts, promesses de paix, de sécurité, d’abondance, de liberté, de justice, etc., etc… tout y passe. C’est le battage électoral Les candidats s’injurient publiquement et se serrent la main dans les coulisses. Populo s’enthousiasme. On voit la chose dangereuse qu’est le battage, une méthode d’arrivisme et d’imposture. Tous les exploiteurs s’en servent : mercantis, politiciens, hommes d’église. Il ne faut pas en être dupe ; c’est pour cela que les anarchistes ne doivent jamais manquer, chaque fois qu’ils le peuvent, d’aller démasquer les hâbleurs malfaisants qui vivent de la crédulité populaire. ― Georges Vidal.


BEAUTÉ. Substantif féminin exprimant la qualité de ce qui est beau. On dit souvent : le beau pour la beauté. L’adjectif beau, qui viendrait du latin bellus, se disait d’abord bel. Cette première forme est encore employée dans certains cas. Son féminin, belle, est resté celui de beau. Bel a fait au moyen âge beltet qui est devenu beauté.

La beauté est « la manifestation sensible de la perfection physique ou morale qui éveille le sentiment de l’admiration ». Cette formule lapidaire du Dictionnaire Hatzfeld, Darmesteter et Thomas, est, dans sa sècheresse, la plus exacte de celles que nous offre ce genre d’ouvrages. Nous verrons de quelle façon elle doit être comprise et étendue.

Dans les applications usuelles du mot beauté, on entend plus souvent ce qui plaît par un caractère brillant et ce qui est agréable aux sens que ce qui présente une véritable perfection, surtout morale. De là des conceptions inexactes de la beauté et des emplois, si peu justifiés de son terme, qu’ils prennent parfois un air d’ironie par exemple lorsqu’on dit : le beau monde, la belle société, le bel air. La notion de la beauté est d’autant plus fausse qu’elle comporte moins de perfection morale ; elle est d’autant plus conventionnelle et peu durable qu’on prétend la placer davantage en dehors ou au-dessus de la nature.

Dans les usages courants on entend :

La beauté des êtres animés et des choses dans leurs aspects extérieurs : une belle femme, un beau cheval, une belle campagne, une belle saison.

Celle des choses qui sont en bon état, bien faites : une belle santé, un beau meuble.

Celle de l’homme qui fait bien une chose et de l’instrument dont il se sert, identifié avec lui : un beau sculpteur, ou un beau ciseau, pour dire un bon sculpteur.

Celle des productions de l’esprit : les beaux-arts, les belles-lettres.

Celle des qualités morales des individus, de la grandeur, de la noblesse, de la générosité qui sont en eux : un beau caractère, une belle âme, de beaux sentiments.

Dans des conditions qui ne comportent que très relativement l’idée de beauté, on appelle beau ce qui est simplement bienséant, convenable, honnête, heureux, avantageux, favorable. On dit : « il est beau d’être propre, ou poli, ou scrupuleux », « c’est un beau succès », « il a une belle situation », « voilà une belle occasion ».

Au propre ou au figuré, on donne la qualité de beau à ce qui est gros, considérable, précieux, important, réussi, en bien ou en mal indifféremment : un beau melon, un bel héritage, un beau collier, une belle armée, une belle maladie, un bel incendie, un beau crime, un beau coup.

Ironiquement, on applique le mot beau à ce qui est trompeur, laid, ridicule ou malfaisant : Voilà de belles promesses ! … Quel beau nez ! … C’est un beau général ! … Quel beau scélérat !

Les mots beauté et beau ont quantité d’autres usages, très souvent injustifiés, mais qui montrent combien le sentiment de l’admiration est un besoin important de l’individu et combien il l’exprime naturellement et spontanément devant les formes les plus diverses de la vie, et souvent les moins admirables, quitte à le corriger ensuite à la réflexion.

On admet généralement que beau vient du latin bellus. Le Larousse remarque, avec juste raison, que cette étymologie est insuffisante pour un mot d’une si grande importance et d’un usage si fréquent. Bellus était un diminutif de bonus et s’appliquait, en parlant des personnes et des choses, à ce qui était bon, en bon état, joli, charmant, élégant, délicat. Bonus désignait ce qui était bon et beau en général. Les termes latins qui correspondent le plus exactement aux définitions données aujourd’hui de la beauté et du beau sont : pulchritudo (beauté) et pulcher (beau), avec les dérivés pulchra et pulchrum. Mais bonus et bellus expriment plus exactement l’idée que les anciens se faisaient du beau. Les Grecs confondaient le beau avec le bien et en avaient fait un seul mot. Ils ne séparaient la morale ni de l’esthétique, ni de la politique. Socrate préférait la perfection de l’âme à celle du corps ; les vrais artistes étaient, à ses yeux, ceux qui représentaient la beauté morale. Platon développa et répandit les principes de Socrate. Pour lui, tout ce qui était bon était beau, et la source de la beauté était par excellence dans le bien dont elle était la splen-