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solution que le dieu de la Bible est plutôt une famille divine dont l’œuvre est harmonieuse. Les membres principaux de cette famille sont la Sagesse, le Verbe, le Saint-Esprit.

Les cinq livres de Moïse sont historiques, philosophiques, juridiques.

Le deuxième groupe comprend douze ouvrages d’auteurs divers dont voici la liste dans l’ordre que leur assigne la Bible. Nous y joignons la date supposée de leur scription : Josué (1427 avant notre ère.) Les Juges (1406). Ruth (1312). Premier livre de Samuel (1055.) Deuxième livre de Samuel (1018.) Premier livre des Rois (les onze premiers chapitres en 1004, les autres en 897.) Deuxième livre des Rois (590.) Premier livre des Chroniques (1015). Deuxième livre des Chroniques (les neuf premiers chapitres en 1004, les autres en 623). Esdras (457). Néhémie (434). Esther (509).

Viennent ensuite les cinq livres poétiques : Job, dont nous avons dit l’antiquité et qu’à titre de doyen nous avons décrit avant tous les autres, le livre des Psaumes, à qui il est impossible d’assigner une date, tant les chants qui le composent ont des âges différents. On a eu le tort de les imputer uniquement à David qui en écrivit seulement une grande partie. Il est, d’autre part, certain que la Bible ne contient pas tous les poèmes de ce barde. Les autres auteurs les plus évidents des psaumes qui composent ce livre sont Moïse, Salomon, Héman, Ezrahite, Ethan, Asaph.

Certains psaumes portent comme titre un mot qui peut être considéré comme le nom de leur auteur ou du personnage à qui il était dédié ou du chantre qui le chantait aux offices. Enfin, quelques-uns de ces supposés noms sont de simples indications musicales.

Quoi qu’il en soit, la plupart de ces poèmes ont un charme qui vaut la lecture.

Avec un peu d’arbitraire encore, les Proverbes de Salomon sont intégralement attribués à cet auteur qui semble bien en avoir écrit beaucoup, mais sûrement pas tous. La compilation tient en ce livre la plus grande place.

On a toutes bonnes raisons de croire que Salomon est aussi l’auteur du livre suivant qui porte ce titre : L’ecclésiaste. (Assembleur ou Chef de l’Assemblée.)

Salomon fut sûrement un esprit encyclopédique : tout semble l’avoir intéressé. Incontestablement, il fut un grand poète en dépit de ses inégalités. Inégalités que nous nous exagérons, même si nous avons assez de lettres pour lire ses œuvres dans sa langue. Nous sommes des hommes d’une autre race, d’une autre époque, d’un autre cadre.

Le groupe des livres poétiques qui commence si tristement par le livre de Job, se ferme heureusement sur le Cantique des cantiques. L’opinion la plus générale le prête à Salomon, se fondant sur le titre : Cantique des Cantiques de Salomon. Il est, en effet, très probable que ce grand érotique fut l’auteur de ce joli poème, mais peu importe. Il faut l’avoir lu.

Il est étonnant que les chrétiens, ordinairement portés à une interprétation exagérément littérale des textes bibliques, se soient révoltés à l’idée de recevoir dans son simple sens ce joli chant d’amour. Ils se sont torturé l’imagination pour y voir une allégorie, un récit poétique de l’union du Messie et de l’Église !

Il est pourtant difficile d’équivoquer sur des vers comme ceux-ci :

Elle. ― Que mon bien-aimé entre dans son jardin
Et qu’il mange de ses fruits excellents.
Lui. ― J’entre dans mon jardin, ma sœur, ma fiancée,
Je cueille ma myrrhe avec ses aromates,
Je bois mon vin avec mon lait.
Mangez, amis, buvez, enivrez-vous d’amour !

Cantique IV. 16 et V. 1.

C’est à regret qu’on s’arrache à la douce beauté de ces transports d’amour pour passer à la lecture des dix sept livres prophétiques.

Les prophètes ne sont généralement pas des auteurs gais. Il leur arrive même de n’être pas polis, tel Esaïe (XXVI. 18) qui, pour donner une idée de la vanité des efforts humains dénués du secours divin, s’écrie : Nous avons conçu, nous avons éprouvé les douleurs de l’enfantement, et quand nous accouchons, ce n’est qu’un pet.

Les passages de ce genre sont généralement atténués par les traducteurs. Cette pudeur montre combien nous sommes peu capables de juger sainement les hommes d’autres époques. Nous oublions que les grecs, très cultivés, très affinés, prenaient plaisir au théâtre d’Aristophane.

Mais revenons aux prophètes juifs : Il faut les avoir lus pour se faire une idée de ce que fut l’antique Israël. La Bible nous donne en outre l’explication de certaines expressions proverbiales comme, par exemple, les jérémiades. L’argot lui-même y a appris à nommer le client de la marchande de volupté : Michée est le nom du prophète qui avait épousé une prostituée.

À ce propos : notons en passant qu’au temps de Michée (750 ans avant notre ère) les Juifs étaient le seul peuple qui méprisât le commerce de la volupté. Les autres peuples honoraient la marchande de sensualités, et le rut rituel étant pratiqué par les peuples voisins d’Israël, les prophètes avaient grand-peine à empêcher les juifs de goûter au culte des païens.

Disons, pour en finir avec les livres prophétiques, que la plupart ont une réelle valeur littéraire.

Nous avons vu tous les livres tenus pour saints par les israélites. Nous nous sommes conformés, pour leur division, à l’usage protestant qui nous a semblé le plus rationnel ; mais voici, avec leurs noms, les groupes pratiqués par les israélites : Le Pentateuque est généralement nommé Thora (La Loi) qui comprend : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome. Le groupe Nebiim (les prophètes) comprend Josué, Juges, les deux livres de Samuel, les deux livres des Rois, Esaïe, Jérémie, Ézéchiel, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Malachie. Le troisième et dernier groupe, Ketoubim (les écrivains), comprend les Psaumes, les Proverbes, Job, le Cantique, Ruth, les Lamentations, l’Ecclésiaste, Esther, Daniel, Esdras, Néhémie et les deux livres des Chroniques.

Cependant quand un juif dit : Thora ou Nebiim (La Loi et les Prophètes) il enveloppe dans cette formule tous les livres de l’Ancien Testament.

Bien que tous les livres dont nous avons parlé jusqu’ici soient pour les israélites les seuls livres révélés, ils ont, petit à petit, accordé au Talmud, (voir ce mot) ensemble de commentaires rabbiniques, une telle autorité que la religion israélite s’en est trouvée transformée à ce point que le pratiquant judaïque de notre époque est aussi différent d’un juif antique qu’un catholique est différent d’un chrétien du premier siècle.



Nous aborderons naturellement le Nouveau Testament par les quatre Évangiles qui sont loin d’être les seuls récits de la vie de Jésus tenus pour authentiques par la primitive Église. Ce ne sont que les quatre survivants de livres disparus.

Le mot évangile signifie bonne nouvelle. La bonne nouvelle de la venue du Messie séculairement attendu.

C’est une aubaine pour le chercheur que les quatre Évangiles survivants aient été écrits par des hommes si différents de tempérament et d’éducation : Lévy Matthieu, fils d’Alphée, est un juif employé d’octroi, profession justement méprisée puisque le juif péager