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tarisme, le Capital en un mot, doivent disparaître et ils disparaîtront « crevant d’obésité ».

Par quel facteur nous remplacerons la concurrence ? Par la solidarité. Le Dantec peut dire que : « La biologie ne nous apprend que la nécessité de la lutte, et la noble utopie de justice, pour être ancrée dans la mentalité de l’homme, n’a pas de fondement scientifique » ; nous pensons que si la justice est en effet une utopie dans une société reposant sur l’autorité, que si l’égalité est un rêve lorsque, seule, dispose de la richesse sociale une minorité de parasites, la justice et l’égalité peuvent devenir une réalité lorsque les hommes enfin libérés du joug économique qui les écrase, n’auront plus à craindre la misère et la famine engendrés par le commerce et la concurrence.

Pour terminer, empruntons la conclusion de Pierre Kropotkine à son livre la Conquête du Pain :

« Pouvant désormais concevoir la solidarité, cette puissance immense qui centuple l’énergie et les forces créatrices de l’homme, ― la société nouvelle marchera à la conquête de l’avenir avec toute la vigueur de la jeunesse.

« Cessant de produire pour des acheteurs inconnus, et cherchant dans son sein même des besoins et des goûts à satisfaire, la société assurera largement la vie et l’aisance à chacun de ses membres en même temps que la satisfaction morale que donne le travail librement choisi et librement accompli, et la joie de pouvoir vivre sans empiéter sur la vie des autres. Inspirés d’une nouvelle audace, nourris par le sentiment de solidarité, tous marcheront ensemble à la conquête des hautes jouissances du savoir et de la création artistique.

« Une société ainsi inspirée n’aura à craindre ni les dissensions de l’intérieur, ni les ennemis du dehors. Aux coalitions du passé elle opposera son amour pour l’ordre nouveau, l’initiative de chacun et de tous, sa force devenue herculéenne par le réveil de son génie.

« Devant cette force irrésistible, les « rois conjurés » ne pourront rien. Ils n’auront qu’à s’incliner devant elle, s’atteler au char de l’humanité, rouler vers des horizons nouveaux, entr’ouverts par la Révolution sociale ». ― J. Chazoff.


CONCUSSION. n. f. (du latin : concussio.). Exaction commise par un fonctionnaire profitant de sa position pour percevoir des droits supérieurs à ceux prescrits par la loi.

Bien que cet acte indélicat soit considéré comme un crime et puni comme tel par la justice bourgeoise, on peut dire que ce ne sont pas les rigueurs de la loi qui effraient les concussionnaires. Chaque administration a les siens, et ce n’est pas dans la classe inférieure des fonctionnaires qu’il faut les chercher, mais parmi ceux qui occupent une place plus ou moins élevée sur l’échelle de la hiérarchie. Du reste, cela s’explique assez facilement, car lorsque par hasard les concussionnaires de haut grade sont pris entre les griffes de la justice, ils bénéficient toujours de l’indulgence des tribunaux ; et comment en serait-il autrement, puisque la magistrature n’échappe pas à la règle générale de la concussion et que certains magistrats pour augmenter leurs revenus, n’hésitent pas à spéculer sur leurs fonctions ?

Un conseiller municipal déclarait que celui de ses confrères parisiens qui ne gagnait pas cent mille francs par an était un imbécile.

Peut-on avouer plus cyniquement que l’on vend son mandat et qu’il y a toujours quelqu’un de prêt à l’acheter ?

Il n’y a pas grand chose à faire contre la concussion en particulier. Tant qu’il y aura des fonctionnaires qui auront, de par la forme de société à laquelle ils sont attachés, la possibilité de se servir au détriment des

autres, la concussion existera. C’est l’arbre qu’il nous faut abattre si nous voulons que la sève ne monte pas pour nourrir les branches ; et c’est une rude besogne à laquelle doivent s’atteler tous les hommes de cœur.


CONDAMNATION. n. f. Décision judiciaire par laquelle un tribunal contraint un individu à se soumettre et à subir une peine qui lui est infligée, en vertu de l’application de la loi.

Une condamnation est toujours arbitraire et ridicule. Arbitraire, parce qu’il n’appartient à personne, le droit de juger son prochain ; et ridicule, car il est impossible de déterminer la somme de souffrance et de peine qui peuvent réprimer un crime ou un délit.

Il est vrai que la loi bourgeoise prétend ne pas s’inspirer du talion, et que son désir n’est pas d’infliger au coupable une douleur égale à celle subie par sa victime, mais de rappeler à celui qui enfreint la loi, l’observation de ses devoirs sociaux ; elle ajoute que l’isolement du reste du monde est salutaire au coupable et que la réflexion et la méditation le guérissent de l’envie de fouler à nouveau les lois de la « Justice ».

Or, il a été maintes et maintes fois démontré que les condamnations à une détention plus ou moins longue, ne guérissaient pas un coupable et que, bien au contraire, une fois subie, la première peine était suivie d’autres délits et d’autres peines, et que par conséquent les bienfaits de la condamnation ne se manifestaient jamais.

Il y a diverses catégories de condamnations ; d’abord celles de droit commun et celles d’ordre politique. Les unes comme les autres sont infligées en vertu d’infractions à la loi bourgeoise, et c’est ce qui explique que les prisons ne sont peuplées en majorité que par de pauvres bougres, car ceux qui détiennent, ne serait-ce qu’une parcelle du Capital, ne subissent jamais de condamnations criminelles ; il leur arrive parfois d’encourir des condamnations civiles, qui ne sont jamais bien pénibles.

Dans le domaine du droit commun, la condamnation recrute ses victimes parmi les « voleurs », les « meurtriers » et encore parmi les ouvriers en révolte, qui, en vertu des libertés républicaines, se permettent de descendre dans la rue pour réclamer leur « droit à la vie ».

Dans sa brochure « Pourquoi j’ai cambriolé », Jacob souligne que celui qui possède la fortune n’a jamais besoin d’user de procédés illégaux pour arriver à vivre, et que par conséquent il ne peut jamais être condamné comme voleur. En effet, on ne s’explique pas pour quelles raisons M. de Rotschild ou M. Loucheur iraient cambrioler. Il en est de même pour le meurtre, qui, deux fois sur dix, a le vol pour mobile ; quant aux meurtres passionnels, qui ont quelquefois pour théâtre le terrain de la bourgeoisie, on connaît l’indulgence des tribunaux vis-à-vis des inculpés. Pour les grèves, ce sont encore les ouvriers qui en sont les victimes, et c’est sur eux que retombent toutes les responsabilités. On peut donc conclure en disant que ce n’est jamais la classe privilégiée qui subit les condamnations, mais les hommes issus de la classe opprimée.

Quant aux condamnations politiques, il arrive de temps en temps un accident aux représentants de la bourgeoisie, mais c’est excessivement rare, et en général ce ne sont que les révolutionnaires de gauche qui peuplent les prisons.

La condamnation est donc une arme bourgeoise, inutile en soi, car elle ne change absolument rien et ne maintient même pas l’ordre bourgeois, et son unique utilité serait peut-être de nourrir une armée de parasites qui ne sauraient que faire si on leur retirait le pouvoir de condamner.