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« S’inspirant du même esprit qui l’a déjà amené à réclamer des mesures efficaces contre la vie chère, démonstration même du gâchis économique dans lequel se débat la Société, le Syndicalisme déclare qu’il entend faire un effort pour aboutir aux solutions nécessaires, non dans un intérêt égoïste, mais dans le ferme désir de trouver une solution satisfaisante pour la collectivité.

« Cette réorganisation industrielle, ce retour à l’équilibre ne peuvent pas être obtenus par les palliatifs que propose ce Pouvoir. le régime actuel repose trop sur la défense des profits particuliers pour qu’on puisse attendre de lui les solutions qui s’imposent.

« L’impuissance de la classe dirigeante et des organisations politiques s’affirme de jour en jour plus forte, plus forte aussi apparaît constamment la nécessité pour la classe ouvrière de prendre ses responsabilités dans la gestion de la Société.

« Le mouvement syndical a dû ainsi envisager les solutions qui s’imposent sans délai. Il n’en saurait trouver de plus urgentes, de plus nécessaires, que la nationalisation industrialisée sous le contrôle des producteurs et des consommateurs, des grands services de l’Économie moderne : les transports terrestres et maritimes, les mines, la houille blanche, les grandes organisations de crédit.

« L’exploitation directe par la collectivité des richesses collectives, la mise sous son contrôle des fonctions et des organismes qui commandent les opérations industrielles de transformation de ces richesses et de leur répartition, sont une condition essentielle de la réorganisation que nous voulons poursuivre. Mais constatant L’impuissance politique et le caractère même du Pouvoir, nous ne songerons pas à augmenter les attributions de l’État, à les renforcer, ni surtout à recourir au système qui soumettrait les industries essentielles au fonctionnarisme avec son irresponsabilité et ses tares constitutives, et réduirait les forces productives au sort d’un monopole fiscàl.

« Les résultats déplorables que l’on a pu constater dans le passé et qui se manifestent tous les jours, sont une condamnation suffisante de ce système. Par la nationalisation, nous entendons confier la propriété nationale aux intéressés eux-mêmes : producteurs et consommateurs associés.

« Faisant confiance à la C. G. T., les Syndicats Confédérés déclarent : que l’action ouvrière se doit de se développer sur ce plan, pour réaliser le plus rapidement possible ces buts immédiats.



« Le Congrès de Lyon proclame à nouveau le droit inaliénable des peuples de se déterminer eux-mêmes exprimant sa profonde sympathie à la Révolution russe, il proteste contre toute tentative d’interventions armées en Russie et contre le blocus réduisant un peuple à la famine, parce que coupable de s’être révolté contre ses oppresseurs.

« Le Congrès, soucieux d’affirmer sa solidarité effective à l’égard du Peuple russe, charge le Bureau Confédéral de demander aux organisations syndicales des transports, de faire que leurs membres se refusent de transporter armes et munitions destinées aux armées de Koltchack et de Denikine.

« Le bureau Confédéral est chargé égaiement de transmettre cette même proposition au Bureau Syndical International pour que ce dernier internationalise, cette action.

« Le Congrès réclame que soit mise en application le plus rapidement possible, la résolution votée à Amsterdam qui concluait et l’envoi d’une délégation ouvrière en Russie.

« Enfin, le Congrès exprimant la volonté unanime de

la classe ouvrière, condamnant la politique réactionnaire des pays de l’Entente, exige que la paix soit conclue avec la Révolution russe. »

Comme on peut s’en rendre compte, cette résolution est parfaite. Toutes les affirmations de lutte de classe des Congrès antérieurs s’y retrouvent, renforcées ; l’affirmation de la valeur constructive du syndicalisme, sa capacité de gestionnaire y sont exposées avec un rare choix d’expressions ; les monopoles et le rôle de l’État y sont sévèrement condamnés, de même que la collaboration des classes.

Quelle contradiction avec le Programme minimum du Cirque d’Hiver, que cette résolution condamne en fait !

C’est ce que comprirent les syndicalistes révolutionnaires, c’est pourquoi, ils votèrent contre cette résolution, au nombre de 312.

Néanmoins, ils attendirent le Bureau Confédéral et la C. E. à l’œuvre, après que la majorité eût refusé à la minorité la représentation à laquelle elle avait droit à la C. E.

Le glissement Confédéral continue ; la lutte de classe fait de plus en plus place à la collaboration. Seul le Conseil Économique du Travail est institué.

Le Bureau Confédéral et une délégation de la C. G. T. assistent à la Conférence de Washington, bien que Jouhaux ait donné sa démission de délégué suppléant à la Conférence de la Paix, après le meurtre de Lorne, le 1er mai 1919. Le Bureau International du Travail, dont la constitution a été acceptée par l’Internationale d’Amsterdam en juillet 1919 concentra à peu près tous les efforts de la C. G. T. et de l’Internationale, l’une et l’autre attachées à faire triompher la conception démocratique de la Société des Nations, dont elles rêvent, utopiquement, en régime capitaliste, de faire une Société des peuples.

Et ce sont les grandes grèves de 1920. — Si celles des métaux de 1919 furent un échec, en juin, celles de 1920, tout au moins la dernière, furent un désastre. Ce fut la dislocation de la C. G. T. après une défaite sans précédent.

Pourtant en février 1920, l’heure de la Révolution passa sans qu’il se trouvât une C. G. T. pour la saisir.

À la suite de l’augmentation du coût de la vie qui atteignit des proportions jusqu’alors inconnues, un mouvement général de relèvement des salaires extrêmement puissant se dessina, à la tête duquel marchaient les cheminots, dont la Fédération comptait à ce moment 360.000 membres.

Sous la pression des Syndicats parisiens, impulsés par Lévéque, la Fédération fut obligée d’engager une action générale amorcée sur le P.-L.-M. à la suite d’une punition infligée au camarade Campanaud frappé dans l’exercice de son droit syndical.

Le P.-L.-M. déclencha la grève générale qui fut immédiatement suivie par les Syndicats parisiens (tous réseaux) et s’étendit rapidement à toute la province.

Du 23 février au 1er mars 1920 toute l’activité du pays est arrêtée. La Fédération des Cheminots a été obligée de lancer l’ordre de grève générale, malgré elle, à tous ses adhérents. Le mouvement est splendide. Tour à tour, toutes les corporations se solidarisent avec les cheminots. La C. G. T. est elle-même entraînée dans la lutte. Elle va donner l’ordre de grève générale lorsque, le 27 février, une délégation de la Fédération des Cheminots se rend discuter avec Millerand, Président du Conseil, et Le Trocquer, ministre des Travaux publics, alors que les militants cheminots sont arrêtés depuis le 25.

Composée de Dubois, de Sotteville, de Le Guennic, de Rennes, de Coudun, de Paris-Est, cette délégation met fin à la grève brusquement, en concluant un accord qui ne sera pas respecté par la suite.