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lutionnaires. C’était trop tard. La scission était inévitable.

C’est donc, comme je le disais plus haut, pour défendre ce programme que, disciplinées dans l’action, toutes les fractions de la C. G. T. décidèrent de suivre le mot d’ordre de grève générale qui devait être lancé le 21 juillet 1919.

Comme il fallait s’y attendre et malgré une intense et générale propagande, ce programme ne rencontra pas l’adhésion unanime des travailleurs. Sentant le fiasco, s’exagérant peut-être aussi le péril, la C. G. T. capitula sans combattre, ce qui est bien pis que à être vaincu en se battant. L’histoire de ces événements est mal connue. Elle ne le sera sans doute jamais.

Ce fut peut-être une satisfaction mesurée donnée aux désirs de lutte des travailleurs et un moyen de pression sur le pouvoir ; ce ne fut peut-être aussi, hélas !, qu’une capitulation de plus entre les mains de la bourgeoisie. Le saurons-nous jamais ?

Une chose au moins est certaine : c’est que devant la déroute du colosse confédéral, qui représentait plus de 2 millions de travailleurs, la Bourgeoisie, un instant apeurée, reprit confiance en elle-même. Le hasard des consultations électorales ayant amené au Pouvoir la partie la plus réactionnaire de la Bourgeoisie, celle-ci prépara la destruction de la C. G. T., sans considération de la politique suivie par celle-ci pendant la guerre et jusqu’alors.

Ce fut la lutte de classe, reprise par le capitalisme réactionnaire contre une C. G. T. qui voulait collaborer à tout prix et, malgré les humiliations renouvelées, n’y parvenait pas.

La résolution votée par le Congrès Confédéral de Lyon marquait adroitement tout cela. Elle était rédigée si habilement que, si ce n’était l’esprit connu de ses auteurs, pas un minoritaire syndicaliste n’eût pu ne pas la voter. Celle de la minorité recueillit cependant 312 voix, qui grossirent rapidement.

Quelle que soit la longueur de cette résolution de la C. G. T., il faut, pour la clarté de ce qui va suivre, pour la compréhension des événements présents, la reproduire en entier. La voici :

« Émanation directe des forces ouvrières organisées, le Congrès Confédéral proclame à nouveau, avec une conviction renforcée par toute l’expérience passée comme par l’effroyable catastrophe qui a désolé le monde, que l’idéal syndicaliste s’accomplira seulement par la transformation totale de la société.

« Issue de la lutte de classe, expression complète de la situation faite au Prolétariat, s’inspirant pour son action et dans son objet de la défense des intérêts professionnels et du développement complet des droits du travail, l’organisation ouvrière répète que son but essentiel est la disparition du patronat et du salariat. La lutte de classe, elle la constate comme un fait dont elle entend tirer toutes les conséquences.

« Cette lutte ne pouvant prendre fin qu’avec la suppression de toutes les classes, de tous les privilèges économiques et sociaux, elle doit aboutir à une organisation nouvelle de la collectivité. Participation égale de tous aux charges et aux droits que les rapports des hommes font naître, tel est le principe initial sur lequel le mouvement ouvrier entend instaurer un régime nouveau ; il réalisera celui-ci, suivant ses conceptions propres avec les organismes qu’il aura lui-même créés et dont le caractère essentiel doit être de donner aux forces de la production la direction et le contrôle de l’économie collective : créateur de toutes les richesses, élément qui commande l’activité sociale, le travail entend être tout parce que les autres facteurs de la Société ne sont que ses subordonnés ou ses parasites.

« Ainsi, sans qu’aucune équivoque puisse être possi-

ble, le syndicalisme déclare qu’il est dans son origine, son caractère présent, son idéal permanent, une force révolutionnaire.



« Imprégné de ces principes et de ce but, le Congrès Confédéral de Lyon rappelle et reprend les termes de la résolution d’Amiens qui déclare :

(Ici texte complet de la motion d’Amiens déjà transcrit.)

« Le Congrès estime en outre nécessaire de dire que cette déclaration ne se borne pas à affirmer, pour un moment donné, de façon provisoire et révisable, la neutralité des organisations professionnelles à l’égard des Partis ou des Écoles, des doctrines ou des philosophies, mais qu’elle proclame de façon permanente cette conception fondamentale de l’action syndicale qui est l’action directe.

« Il ne peut laisser croire par contre que cette action trouve son expression exacte et exclusive dans des actes de violence ou de surprise, ni qu’on la puisse considérer comme une arme pouvant être utilisée par des groupements extérieurs au syndicalisme.

« C’est parce qu’ils sont producteurs que le Syndicat appelle à lui tous les travailleurs et c’est l’utilisation de la force qu’ils tiennent de leur fonction productive qui est la puissance de l’organisation ouvrière.

« Plus que toute autre force sociale présente, il produit ce fait essentiel qui est la conséquence fatale de l’activité collective moderne : le recul de la politique devant l’économie.

« Continuer la production pour satisfaire les besoins des hommes, l’accroître pour mettre à la disposition de tous une plus grande somme de richesses consommables, ainsi se traduisent ses préoccupations auxquelles la situation mondiale résultant de la guerre donne une gravité formidable.

« Le mouvement ouvrier affirme qu’il doit et qu’il peut y répondre, mais il déclare aussi que tout effort dans ce sens n’est plus conciliable avec le maintien de l’état actuel ; l’appel au travail, auquel, les travailleurs sont prêts à répondre, ne peut se comprendre désormais qu’avec la reconnaissance totale des droits du travail.

« Le mouvement syndical ne peut être que révolutionnaire ; puisque que son action doit avoir pour effet de libérer le travail de toutes les servitudes, de soustraire tous les produits à tous les privilèges, de mettre toutes les richesses entre les mains de ceux qui concourent à les créer.

« Cette conception, réalisée par l’effort des travailleurs, se fera suivant les modalités du Travail lui-même constituant l’ordre nouveau, basé non sur l’autorité ; mais sur les échanges, non sur la domination, mai sur la réciprocité, non sur la souveraineté, mais sur le contrat social.

« L’action quotidienne du Syndicat est une préparation à ce renversement des valeurs.

« Toute manifestation de la force ouvrière, tend, en effet, à l’heure présente, à la conclusion des contrats. Ce serait une erreur profonde d’y voir une collaboration ; les conventions collectives, qu’elles s’étendent d’un atelier, ou à toute une région, ou à une corporation sur toute l’étendue du territoire, possèdent une valeur de transformation, parce qu’elles limitent l’autorité patronale, parce qu’elles ramènent les relations entre employeurs et employés à un marché qui encourage l’effort, sans apaiser l’énergie, puisque le travail n’y trouve pas la reconnaissance à tous ses droits, mais la satisfaction d’amoindrir l’absolutisme patronal en introduisant, dans l’atelier ou l’usine, le contrôle d’un puissance non assujettie à l’exploitation du patronat, d’une force d’émancipation : Le Syndicat.