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rendre possible la coordination des forces non adhérentes ni à Moscou ni à Amsterdam.

Toutefois, il apparaît qu’avec un peu de compréhension, avec un peu de volonté éclairée, en raison de l’impossibilité d’action de chacune des Internationales, agissant séparément, on arrivera un jour, de part et d’autre, sous la pression des événements, à agir en commun pour certaines actions déterminées à l’avance.

Ce serait, sinon la solution idéale, du moins une solution meilleure qui permettrait, de faire face à l’adversaire capitaliste.

Il est à craindre que cette sorte d’unité d’action ne se réalise pas, tant l’opposition des programmes apparaît grande. Il se peut, en effet, qu’on ne puisse trouver une seule question susceptible de marquer le point commun de propagande ou d’action.

Dans ces conditions, il est à peu près certain que nous assisterons à la mise en application successive des deux programmes qui ne sont, ni l’un ni l’autre, spécifiquement syndicaux. On verra sans doute se réaliser d’abord le programme social-démocrate et, après un court laps de temps, les communistes l’emporteront. Si les syndicalistes, impuissants en ce moment, savent réagir à temps, la social-démocratie et le communisme seront les fourriers du syndicalisme.

C’est vraisemblablement à cette dernière hypothèse infiniment probable qu’il faudra s’arrêter.

L’action purement syndicale ne reparaîtra que plus tard. Quand ? Je l’ignore. Mais elle reparaîtra, parce qu’elle a des racines trop profondes dans le peuple pour être éliminée. Le syndicalisme représente l’avenir. Il triomphera en définitive, peut-être plus tôt qu’on le pense généralement. — Pierre Besnard.

P. S. — Je renonce à donner ici les caractéristiques des Congrès internationaux de Rome, de Vienne, pour la C. G. T ; de Moscou, pour la C. G. T. U. et de Berlin, pour le Comité de Défense syndicaliste. Cette étude déjà trop longue en serait trop alourdie. Les Congrès seront examinés lors de l’étude sur l’Internationale, c’est d’ailleurs leur vraie place. — P. B.


CONFÉRENCE. n. f. Discours public. Les Romains avaient le mot conferentia, issu du verbe conferre (comparer) pour désigner l’assemblée de plusieurs personnes réunies pour étudier une question, le plus souvent philosophique ou historique. Chacun apportait à l’appui de sa thèse des textes et documents que l’on comparait. De là le mot.

Pour le même objet nous avons fait sans le vouloir, simplement du fait d’une prononciation et d’une transcription vicieuses, le mot conférence. Mais en français, ce mot souvent mal employé a fini par prendre des sens très divers et il sert à désigner des objets qui n’ont parfois aucun rapport entre eux. Mais le plus souvent il sert à désigner un discours public, contradictoire ou non. C’est surtout en gardant ce sens au mot conférence que nous allons l’étudier ici.

Au mot causerie (que voyez) nous avons dit que les manifestations de cette dynamique qu’est le verbe a trois principaux degrés : la conversation, la causerie, la conférence.

Sans répéter ici en quoi diffèrent la causerie et la conférence, il nous faut rappeler que celle-ci visant les grands auditoires, les qualités de la conférence doivent être appropriés à sa destination.

C’est à tort que l’on a tendance à mépriser les qualités matérielles, osons même dire les qualités physiques du conférencier ; la justice de la cause, la justesse des arguments, la documentation, l’éloquence, même, atteindront plus sûrement leur but si le conférencier est doué d’un physique agréable, d’un aspect sympathique,

d’une voix puissante et harmonieuse. Toutes choses, d’ailleurs, que presque tous peuvent acquérir.

De même qu’il est répugnant de recevoir des aliments servis par des mains de propreté douteuse, le conférencier doit être pour ses auditeurs un agréable et appétissant maître-d’hôtel de la pensée. Il doit donc plaire, mais ne jamais oublier que plaire est un moyen, non un but.

La conférence, bien que ne nécessitant pas les mêmes qualités de fond que la causerie, doit être gardée du superficiel. Le conférencier évitera seulement, parlant à un public trop nombreux pour en connaître les individus, de s’engager dans des développements trop techniques ou trop savants que tous ne pourraient pas suivre. C’est précisément là que gît une difficulté : si, pour bien présenter sa pensée, le conférencier a besoin de citer ou exposer un objet dont la connaissance ou la compréhension sont réservées à ceux qui ont fait des études d’un degré un peu élevé ou un peu spécial, il lui faut échapper à deux dangers : 1° citer ou exposer l’objet sans se soucier des ignorants. Ceux-ci, alors, cesseraient de l’écouter. 2° Donner une définition, une explication à la portée des primaires. Ce procédé irrite les fortunés de l’instruction ; ils déclarent être venus perdre leur temps à écouter des choses que tout le monde connaît.

C’est ici que devra jouer l’habileté de l’orateur pour se faire comprendre des humbles, leur donner le lait qui leur est nécessaire et le faire de telle façon que les favoris des enseignements secondaire et supérieur y trouvent eux-mêmes de l’intérêt.

Le conférencier doit embrasser son auditoire et veiller à ce qu’il n’y ait pas dans la salle un seul auditeur qui n’ait reçu cette impression qu’à certains moments, c’est à lui que l’orateur parlait.

Le choix du sujet est plus limité pour la conférence que pour la causerie puisqu’il doit intéresser plus d’auditeurs.

Il est des qualités également indispensables à la conférence et à la causerie comme, par exemple, la sincérité, l’amour du sujet, la sensibilité. Que l’orateur s’adresse à mille ou à dix mille auditeurs, ils ne participeront à son émotion qu’en en sentant l’authenticité. Il pourra, par du cabotinisme, arracher un cri de haine, ou d’amour à son auditoire, mais l’adhésion profonde, la communion ne seront atteintes que si l’auditoire s’est associé instinctivement aux vibrations profondes de sa conscience.

Nous venons d’indiquer des généralités, mais il y a dans les qualités requises, des spécialités comme, par exemple, celles de la conférence contradictoire. Dans : ce cas il y a, au plus, trois états différents pour l’orateur : il peut être le conférencier, le contradicteur ou l’intervenant.

Conférencier, il parle le premier et doit traiter le sujet aussi complètement que possible. Il aura le souci de prévoir tous les arguments opposables à sa thèse et d’y répondre par anticipation. Cette partie de la conférence est parmi les plus difficiles car il répugne aux esprits fins d’entendre répondre à une question qui n’a pas été posée. Le conférencier devra donc user de diplomatie soit en répondant à des questions ou objections situées dans le passé, soit en donnant de telles explications que la question ou l’objection ne puissent être formulées sans ridicule.

Le contradicteur se croit trop souvent autorisé à intervenir sans préparation, comptant uniquement sur l’inspiration provoquée par les paroles du conférencier. C’est à cause de cette paresse que les conférences contradictoires sont encombrées de banalités, de lieux communs, de digressions. Le contradicteur, précisément parce qu’il ne sait pas, le plus souvent, sur quel ter-