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vulgaire. Qu’importe que les causes soient multiples, ou que la cause soit unique, si le résultat est le même et que l’individu déterminé par des causes extérieures à lui-même ne peut rien changer à sa destinée ? Argument simpliste, raisonnement à l’absurde.

Dans ses dialogues philosophiques, Ernest Renan fait ainsi parler un de ses sujets : « Hors de notre planète, l’action de l’homme peut être considérée comme nulle, puisque notre planète n’agit guère dans l’ensemble de l’univers que par la gravitation ; or, l’homme n’a pas changé et ne saurait changer la gravitation de sa planète. Cependant, la moindre action moléculaire retentissant dans le tout, et l’homme étant cause au moins occasionnelle d’une foule d’actions moléculaires, on peut dire que l’homme agit dans le tout d’une quantité qui équivaut à la petite différentielle qu’il y a entre ce qu’est le monde avec la terre habitée et ce que serait le monde avec la terre inhabitée. On peut même dire que l’animal agit lui-même dans l’univers à la façon d’une cause ; car une planète peuplée seulement d’animaux verrait se produire à sa surface des phénomènes naissant de la spontanéité de l’animal et différents des purs phénomènes mécaniques, où ne se décèle aucun choix. » Et, en effet, si nous abandonnons le terrain purement philosophique et abordons le terrain social, nous disons : bien que déterminé, l’individu apporte dans l’ordre des choses une part de lui-même, une part qui lui est propre, une part qui lui est individuelle. Et cette part particulière, associée à celle de ses semblables peut changer la face des choses, le cours des événements.

Lorsque nous disons que la Révolution est inévitable, qu’elle sera violente, ce n’est pas parce que fatalement elle doit être violente. S’il plaît aux hommes qui détiennent la richesse sociale d’abandonner leurs privilèges et de participer à l’organisation d’une société plus humaine, la violence ne s’exercera pas ; ce n’est pas parce que nous croyons au fatalisme que nous disons que la Révolution sera violente, mais justement parce que cette violence sera déterminée par le refus des classes oppressives d’accéder aux désirs du populaire. Le capital a le pouvoir — parce que lui aussi est déterminé et détermine —de changer le cours des événements, de même que le peuple a possibilité de transformer du tout au tout l’ordre social actuel. Cette possibilité n’est pas seulement consécutive aux causes qui déterminent le peuple, mais aussi aux effets dont le peuple est la cause.

Il y a un fossé entre le fatalisme et le déterminisme, et nous pouvons dire que le déterminisme est l’antidote du fatalisme.

Au mot déterminisme, on trouvera une explication plus étendue de ce que nous entendons par déterminisme, mais pour nous, il n’exclut pas la responsabilité.

Il est simpliste de prétendre que l’homme étant déterminé, il est entièrement irresponsable. S’il en était ainsi, je ne serais pas déterministe. Chaque individu a une part de responsabilité. Le juge qui condamne, le bourreau qui exécute sont peut-être le produit de la société, ils sont les effets d’une foule de causes, c’est entendu ; mais ils apportent aussi un peu d’eux-mêmes dans chacun de leurs actes et en conséquence, leur responsabilité, si elle n’est pas absolue, est tout au moins partielle. Et puis, la lutte sociale ne permet pas de s’arrêter à de telles subtilités. Sur le terrain philosophique, il est permis de se livrer à une gymnastique intellectuelle pour rechercher la part de responsabilité de chacun ; sur le terrain social, il faut batailler pour vivre et arracher à ceux qui nous oppriment la part de bonheur à laquelle nous avons droit.

Éloignons de nous cette idée que rien ne peut changer, que tout ce qui arrive est fatal, que tel événement

ne pouvait pas ne pas se produire, que les fléaux sont inévitables, et pensons avec Louis Blanc que « jusqu’à présent » la civilisation a fait fausse route ; et dire qu’il n’en saurait être autrement, c’est perdre le droit de parler d’équité, de morale, de progrès. ‒ J. Chazoff.


FATALITÉ n. f. (du latin fatalitas). Destinée inévitable. Ce qui ne peut pas ne pas arriver. Une sombre fatalité ; une terrible fatalité ; être poursuivi par la fatalité. La « Fatalité » suppose une puissance occulte qui détermine le sort de chacun et contre lequel l’individu ne peut rien. Empruntons à P.-J. Proudhon une belle page sur la Fatalité :

« C’est à connaître et à pénétrer la fatalité que tend la raison humaine ; c’est à s’y conformer que la liberté aspire. Je ne demanderai plus : Comment l’homme a-t-il le pouvoir de violer l’ordre providentiel, et comment la Providence le laisse-t-elle faire ? Je pose la question en d’autres termes : Comment l’homme, partie intégrante de l’Univers, produit de la fatalité, a-t-il le pouvoir de rompre la fatalité ? Comment une organisation fatale, l’organisation de l’humanité, est-elle adventice, antilogique, pleine de tumultes et de catastrophes ? La fatalité ne tient pas à une heure, à un siècle, à mille ans ; pourquoi la science et la liberté, s’il est fatal quelles nous arrivent, ne nous viennent-elles pas plus tôt ? Car, du moment que nous souffrons de l’attente, la fatalité est en contradiction avec elle-même ; avec le mal, il n’y a pas plus de fatalité que de Providence. Qu’est-ce, en un mot, qu’une fatalité démentie à chaque instant par les faits qui se passent dans son sein ? Voilà ce que les fatalistes sont tenus d’expliquer, tout aussi bien que les théistes sont tenus d’expliquer ce que peut être une intelligence infinie qui ne sait ni prévoir ni prévenir la misère de ses créatures ».


FAUCILLE n. f. (du latin falsicula, de falx, faux). Instrument composé d’une lame d’acier courbée en demi-cercle, et d’une poignée en bois, qui sert à couper les céréales.

Depuis la Révolution russe, les bolchevistes ont fait de cet outil un symbole, et il figure entrelacé avec un marteau, sur tous les emblèmes ou drapeaux de la République des Soviets. Est-ce à dire que la Russie est un état dirigé par les travailleurs des champs et des usines ? Nous savons ce que valent les symboles. De même que la Marseillaise fut prostituée en France au lendemain de la Révolution, la faucille l’est à l’heure actuelle par les dirigeants russes et les conducteurs des divers partis communistes nationaux. En Russie, ce n’est pas celui qui manie l’outil — faucille ou marteau — qui est maître de la situation, et nous pouvons dire, sans crainte de nous tromper, que celui qui se sert là-bas de la faucille ne bénéficie pas du travail qu’il fait. Une paysannerie exploiteuse est née dans l’U.R.S.S., et elle est aujourd’hui le plus ferme soutien du gouvernement bolcheviste. C’est à son profit que la faucille fauche les récoltes, et le travailleur des champs comme celui des usines est un exploité rétribué, semblable à celui de nos pays démocratiques occidentaux. Et il en sera ainsi tant que le travailleur n’aura pas absolument aboli la propriété et l’exploitation.


FAUNE n. f. On désigne sous le mot de faune, l’ensemble des animaux d’une contrée ou d’un continent, vivant à l’état naturel ou sauvage. La faune australienne, la faune américaine, la faune asiatique. La faune varie selon les régions, le climat, etc… L’Asie est peuplée de tigres, de panthères, d’ours, d’éléphants de l’Inde, de rhinocéros, de tapirs, de chameaux,