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tion, collectiviste ou communiste déterminait présentement en Europe une honnête aisance pour tous les habitants, la fin des conflits armés, et la possibilité du mariage jeune sans inquiétude pour l’avenir, c’est tous les trente ans, environ, que l’on verrait doubler le nombre des humains, sur un continent dont la surface n’est pas extensible, et dont le rendement, comme produits alimentaires, peut être augmenté par les méthodes scientifiques, sans pouvoir être néanmoins indéfiniment accru. Il en résulterait que la société nouvelle se trouverait, à très bref délai, en présence de difficultés vitales graves que seule la procréation consciente et volontairement limitée serait à même de résoudre. ‒ Jean Marestan.


FÉDÉRALISME. — Le fédéralisme est une forme d’organisation sociale, qui a pour but d’assurer : 1° les rapports des individus entre eux ; 2° les rapports de l’individu avec le groupement ; 3° les rapports des groupements entre eux. Il a pour bases essentielles : 1° la liberté de l’individu ; 2° l’indépendance et l’autonomie du groupement.

Il repose sur une grande loi naturelle : l’ASsociation, dont les fondements moraux sont : la solidarité et l’entr’aide.

Les principes qui se dégagent de l’application de cette loi naturelle consacrent, sans conteste possible, l’interdépendance absolue de l’individu et du groupement.

Et c’est de cette constatation qu’est issu le fédéralisme, comme forme d’organisation sociale, basée à la fois sur la nature et sur l’observation scientifique des faits.

Nul ne peut échapper à cette loi : ni les êtres animés, ni les êtres appelés, par erreur, inanimés.

Non seulement les hommes doivent s’y plier, pour vivre, se développer et se défendre contre les éléments ou les autres espèces qui leur disputent la possession de la terre, mais il apparaît clairement que les végétaux et les minéraux, comme les animaux, ne peuvent se soustraire à la loi d’association.

Ce n’est pas par hasard que les forêts existent, que les gisements de minéraux se rencontrent, que les animaux se groupent. La seule loi d’attraction ne suffirait pas à expliquer ces phénomènes de groupements, cette classification en espèces : animales, végétales, minérales.

Ces espèces se rassemblent, pour vivre, sous l’influence des éléments.

Ce n’est qu’en se groupant par catégorie qu’elles ont la possibilité de se défendre contre les autres espèces, de se donner en commun des conditions de vie.

D’autres l’ont dit et prouvé bien avant moi.

Il était donc naturel que les hommes, ces animaux supérieurs, paraît-il, obéissent, eux aussi, à la loi d’association, pour le bien comme pour le mal.

L’association s’est imposée à l’homme dès qu’il a voulu accomplir une tâche au-dessus de ses seules forces, dès que ses semblables ou les éléments lui ont imposé cette tâche.

Pour que l’association soit viable, il faut que les associés poursuivent un but commun et qu’ils soient d’accord sur les moyens à employer pour atteindre ce but.

Ceci les oblige à accepter tacitement un contrat, écrit ou non, qu’ils s’engagent à respecter volontairement et mutuellement, pendant toute la durée de l’association, que celle-ci soit limitée ou illimitée.

Il est clair qu’en s’associant avec d’autres hommes, avec lesquels il conclut un accord précis, nettement défini par le contrat qui le lie à ses associés, l’individu abandonne forcément quelques préférences personnelles qu’il conditionne, en quelque sorte, l’exercice de sa liberté. De même, il subordonne volontairement son intérêt

particulier à un intérêt collectif, lequel donne tout naturellement naissance la constitution de l’association.

Il se crée donc des droits et devoirs. Ses droits, c’est ce qu’il reçoit et doit recevoir des autres associés, pour sa collaboration à l’œuvre commune. Ses devoirs, c’est ce qu’il doit à ses associés, pour leur participation à cette même œuvre.

S’il doit exiger l’intégralité de ses droits, il doit aussi remplir scrupuleusement ses devoirs.

A la spécification du but à atteindre, à la détermination des moyens à employer qui constituent la doctrine de l’association, viennent s’ajouter renonciation des droits et des devoirs de chacun, qui forment le Statut, la Charte de l’association, qui se meut désormais dans le cadre des principes adoptés par l’ensemble des associés.

A partir de ce moment, toutes les décisions prises par les associés devront être en accord avec les principes fixés.

A cet instant précis de ma démonstration, je tiens à établir la différence qu’il convient de faire entre le principe : immuable, et la décision : circonstancielle.

En effet, si le principe, base de la charte, ne peut être modifié que du consentement unanime des associés, la décision peut être prise par la majorité de ces associés.

Une seule condition suffit pour que la décision soit valable : Il faut qu’elle soit en accord, avec le principe ou les principes sur lequel ou lesquels l’association a été fondée.

Une décision est valable — et doit être appliquée — jusqu’à ce qu’une autre décision se rapportant au même sujet, à la même question, soit venue automatiquement remplacer la première, toujours dans le cadre des principes, bien entendu.

S’il en était autrement, si une partie des associés ou un associé seulement prétendait passer outre à la décision, l’association serait menacée dans son existence. Elle ne pourrait jamais atteindre les buts pour lesquels elle a été constituée.

Pour sortir de cette situation, il n’y a que deux solutions : ou l’associé part de son plein gré ou les autres associés lui notifient son départ.

C’est le résultat même de l’application du Statut de l’association, de la charte, à laquelle tous les associés ont accepté, par avance, de se discipliner volontairement.

C’est aussi la conséquence de l’application de la loi du nombre, qui oblige l’individu, associé à d’autres individus, à accepter de travailler selon les décisions de l’ensemble ou de la majorité.

Et tant que cette loi inexorable ne pourra être remplacée par une autre plus juste, plus logique, plus équitable, il devra en être ainsi.

On pourra dire de cette loi du nombre qu’elle est injuste, qu’elle paralyse la marche en avant, qu’elle asservit un individu à l’ensemble, une minorité à une majorité.

Ce qu’il importe de faire, c’est de trouver mieux avant de l’abolir. Or, on n’a, jusqu’ici, rien trouvé. On peut aussi dire que toutes les objections sont plutôt d’ordre sentimental. Raisonnablement, pratiquement, elles sont sans valeur. Si on les acceptait, il n’y aurait aucune association possible et, seul, l’individualisme s’imposerait.

S’il est évident que l’individu compose le milieu, pour partie, il est non moins évident que l’individu ne peut pratiquement se dissocier du milieu ; qu’il en dépend au même titre que tous les organes d’un même corps dépendent de ce corps et sont solidaires l’un de l’autre.

On doit donc admettre comme exacte l’interdépendance absolue du groupement et de l’individu, aussi