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de 8.250 francs, et la valeur du franc était de 80 francs à la livre sterling. A 40 millions d’habitants, la dette totale de l’État français était donc de 330 milliards de francs. Cette dette totale se répartit en dette à court terme et dette à long terme (voir le mot dette). Dans la dette à court terme, on comprend les Bons de la Défense nationale, les Bons du Trésor, dont le remboursement peut être exigé presque immédiatement par ceux qui les détiennent. Or, ces bons, directement ou indirectement, sont entre les mains des grosses associations financières ; et, selon l’attitude du gouvernement, ils les renouvellent ou en réclament l’échange contre des billets de banque qui ont une puissance directe d’achat. Lorsque l’État n’est pas en mesure de rembourser, il a recours à l’inflation, c’est-à-dire qu’il fait imprimer à nouveau de la monnaie fiduciaire ; mais on conçoit que ceci ne s’opère pas sans inconvénient, et que la panique s’empare assez rapidement de la population, lorsque la monnaie se déprécie. La haute finance spécule sur ce sentiment populaire, et la crainte de l’ouvrier ou de l’épargnant de voir la puissance d’achat de son argent s’affaiblir, permet à la finance et à l’industrie de tenir sous leur coupe les gouvernements, à quelque parti qu’ils appartiennent. D’autre part, un gouvernement ne peut se livrer à l’inflation sans le concours et la complicité des maîtres de la finance. En effet, comme nous le disons plus haut, la circulation fiduciaire repose sur la confiance ; or, la finance qui détient le monopole de la presse, qui a un pouvoir de propagande formidable, aurait tôt fait de briser cette confiance, si un gouvernement lui résistait. Et une population refusant les billets mis en circulation acculerait l’État à la banqueroute.

La population d’un pays est généralement impressionnée par la hausse ou la baisse de la devise nationale, sans saisir exactement les causes de ces fluctuations continuelles. Certains économistes démocrates conseillent la stabilisation de la monnaie pour mettre fin à la spéculation facilitée par une monnaie instable ; mais sur ce terrain, les groupes financiers ne sont pas d’accord, leurs intérêts étant différents et, impuissant, le peuple assiste à une bataille financière dont il paie tous les frais.

En réalité, si certains groupes de financiers sont adversaires d’une revalorisation ou d’une stabilisation de la monnaie, ce n’est que provisoire. Ils en seront partisans le jour où, avec cette monnaie dépréciée, ils auront acquis une plus grande puissance économique en la transformant en propriétés. Une revue française signalait en décembre 1926, le cas d’un syndicat financier international, qui se porta acheteur de 8 à 10 milliards de francs, ce qui provoqua la hausse de cette valeur de 50 p. 100.

« Quel est donc l’intérêt qui fait agir le syndicat international ? demandait cette revue. Il est peu probable que ce soit dans l’unique but d’améliorer la cote du franc sur le marché mondial, ou, d’autre part, de provoquer une crise économique, industrielle et commerciale en France ? C’est uniquement l’espoir d’une opération fructueuse qui l’a décidé à acheter ces masses de francs…

« Il est possesseur d’une masse considérable de francs, mais s’il fait monter notre devise en l’achetant, ne risque-t-il pas de l’anéantir au jour où il voudra dénouer l’opération ? »

D’autre part, cette masse de monnaie fiduciaire permet aux groupes de capitalistes qui la possèdent d’accaparer les richesses sociales, et l’on peut être certain qu’au jour où leurs opérations seront terminées, ils ne s’opposeront plus à la revalorisation ou à la stabilisation.

Ces vastes questions financières sont complexes et peu accessibles à l’esprit populaire qui n’en ressent

que les contrecoups, sans en connaître les causes ; cependant, la large circulation fiduciaire nous aura démontré ceci : c’est que l’argent où la monnaie en soi n’a aucune valeur réelle, mais simplement une valeur spéculative. Lorsque le peuple s’inspirera de cette idée que la monnaie est une entrave à la vie, et que, loin d’améliorer les procédés d’échange, elle les complique, un grand pas sera fait vers l’organisation d’une société économique plus libre. Supprimer toute la monnaie, c’est permettre à chacun de vivre selon ses besoins, et c’est le but le plus près que nous devons atteindre.


FILATURE n. f. (de filer). Établissement où l’on transforme en fil, la soie, la laine ou le coton. Action de filer. La filature des textiles se divise en deux classes : celle de la laine et du coton, et celle de la soie. Avant d’être transformés en fil, la laine comme le coton doivent subir de nombreuses opérations. Le coton est d’abord soumis à l’action de certaines machines qui le débarrassent de ses impuretés ; il est ensuite étiré et transformé en ruban ; ce ruban est à nouveau étiré afin de l’amincir, et s’en va ensuite au métier à filer. La laine, elle, avant d’être livrée au métier à filer, doit être lavée, cardée et peignée.

La filature de la soie est une industrie particulière. Tout d’abord, le cocon est plongé dans l’eau bouillante, puis battu avec des rameaux de bruyère, pour accrocher l’extrémité du fil. Ces fils sont ensuite passés à la filière et débarrassés de la gomme dont ils sont imprégnés en les plongeant dans des bains d’eau savonneuse. Ils subissent ensuite le cordage sur des machines appelées moulins à tordre, et enfin, les écheveaux sont livrés au teinturier et au tisserand. Chaque cocon donne environ 300 mètres de fil de soie.

L’industrie de la filature entièrement liée à celle du textile, s’est formidablement développée depuis cent ans, grâce aux progrès du machinisme, et l’on est bien loin, aujourd’hui, de l’époque où l’on filait à la quenouille et au rouet. A présent, de puissantes usines se sont montées dans tous les pays, et plus particulièrement en France, en Angleterre, en Russie, dans lesquelles le coton, la soie et la laine sont traités mécaniquement et avec rapidité. Le développement de la filature et de l’industrie textile, comme du reste le développement de tout autre corps d’industrie a donné naissance à un prolétariat qui a à lutter contre les gros magnats de la laine, du coton et de la soie, qui entendent naturellement bénéficier de la plus grande partie — sinon de la totalité — des apports de la science ; et les grands centres textiles du Nord de la France, comme du Centre de l’Angleterre sont souvent agités par des mouvements qui dressent les travailleurs contre leur patronat. La filature, cette industrie si nécessaire, si indispensable à la vie de l’homme, ne sera vraiment prospère, elle ne répondra aux besoins de l’humanité, que lorsqu’elle sera entre les mains des travailleurs filant et tissant utilement pour le bien-être de tous.

Au figuré : filature signifie suivre, espionner. « Prendre en « filature » un individu suspect ». La police prend généralement les individus en « filature » avant de les arrêter. Être filé, c’est-à-dire être suivi. Faites attention, prenez garde, vous êtes filé ; vous êtes pris en filature.


FILIATION n. f. (du latin filiatio, de filius, fils). Descendance en ligne directe de père en fils. On distingue trois espèces de filiations : la filiation légitime, la filiation naturelle et la filiation adoptive. La filiation est légitime lorsque l’enfant est né pendant le mariage, et qu’il a été régulièrement inscrit sur les registres de l’État-Civil ; dans tous les autres cas, la filiation