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est naturelle. La filiation des enfants naturels peut se justifier par l’acte de naissance ou par un acte de reconnaissance. Mais les enfants adultérins ne peuvent jamais se réclamer de leur ascendance paternelle. La filiation ne se justifie qu’au point de vue légal ; physiologiquement, qu’elle soit légitime ou naturelle, elle est aussi fictive que la filiation adoptive.

Bien que pour l’homme sensé jugeant un individu sur sa personnalité et non sur son nom, la filiation soit de peu d’importance, le peuple est encore imbu de certains préjugés en ce qui concerne la reconnaissance légitime des enfants, et un bâtard est encore à ses yeux un être méprisable, comme s’il était responsable des actes de ceux qui lui donnèrent le jour. Ce préjugé disparaîtra avec l’éducation du peuple.

Par extension, on emploie le mot filiation pour désigner la liaison, l’enchaînement d’une chose avec une autre. La filiation des mots ; la filiation des idées. « On voit chez les Grecs une belle filiation d’idées romanesques. » (Voltaire).


FILIÈRE n. f. Instrument utilisé dans l’industrie métallurgique pour étirer les fils mécaniques. Outil d’acier servant à fileter en vis.

Au figuré : suite d’épreuves à travers lesquelles on passe avant d’atteindre un certain but ou obtenir un certain résultat. Passer par la filière administrative. La filière judiciaire ; la filière parlementaire. La société capitaliste dans son organisation administrative, peut être comparée à un instrument percé d’un nombre incalculable de trous qu’il faut traverser avant de voir se réaliser ses désirs. Que ce soit pour obtenir un emploi ou une fonction administrative, judiciaire, diplomatique, il faut passer par la filière, et donner des preuves de respect pour tout ce qui compose la hiérarchie sociale. Elle est une garantie pour la classe bourgeoise qui évince, par les épreuves consécutives auxquelles elle soumet ses agents, tous ceux qui ne marquent pas des attaches profondes aux institutions modernes. La filière est un filtre qui éloigne de la direction de la chose publique toute individualité logique, intelligente qui ne veut pas se courber devant la routine monotone et stupide de l’administration. Seuls, peuvent passer à travers la filière les lâches et les pleutres, ou les hommes sans scrupules pour qui la fin justifie les moyens, et qui abandonnent leur personnalité pour satisfaire leurs ambitions.


FILLE n. f. (du latin filia). Enfant du sexe féminin. Nom que l’on donne à la femme qui n’est pas mariée ; une jeune fille, une vieille fille. Dans l’ordre familial : petite fille : fille du fils ou de la fille, par rapport à l’aïeul ou à l’aïeule. Belle-fille : bru ou fille née d’un premier mariage, par rapport à l’époux nouveau, lorsque l’un des premiers époux se remarie à la suite d’un décès ou d’un divorce. Qui est née à : les filles du désert ; les filles d’occident ; les filles de France.

Fille-mère : nom que l’on donne à une femme non mariée et qui a un enfant non reconnu par le père. La lâcheté et la bêtise humaine rendent la vie difficile à la fille-mère. En vertu de préjugés stupides, on lui reproche d’avoir écouté son cœur et de s’être donnée sans préalablement en avoir informé un officier ministériel. C’est bien la honte d’une société ou tout n’est qu’hypocrisie, de faire grief à une femme d’avoir un enfant, alors que l’homme qui commet l’infamie d’abandonner la mère et le petit continue à jouir de l’estime de ses semblables.

Fille publique ou fille de joie : femme qui s’adonne à la prostitution. N’est-ce pas une ironie d’appeler fille de joie ces malheureuses obligées de vendre leur

corps et de se livrer au passant, quel qu’il soit, pour arriver à vivre ? La prostitution est un vice qui découle directement de la mauvaise organisation sociale, et la fille de joie est une victime de la société bourgeoise. La fille de joie a servi de trame à des romans, à des pièces de théâtre, à des chansons, et elle fut exploitée dans son corps et dans son esprit. En termes sanglants, brefs et brutaux, le célèbre chansonnier populaire Jules Jouy a, dans un poème intitulé « Fille d’ouvriers », décrit le calvaire de ces malheureuses. Edmond de Goncourt, le grand romancier, a, dans sa « Fille Élisa », tracé l’histoire d’une fille publique qui, dans un élan d’amour et de pudeur, tue son amant. L’œuvre de Goncourt est une violente protestation sociale. Est-ce suffisant ? Non. La prostitution, la vie de la fille publique sont étroitement liées à une société où tout se négocie, où tout s’exploite, même l’amour ; et ce n’est qu’en détruisant la cause du mal, que disparaîtront la prostitution et les filles publiques.

Filles soumises : les filles soumises sont des prostituées inscrites sur les livres de la police, et astreintes à une visite médicale à périodes fixées. Exploitées par les souteneurs, elles le sont également par les agents des mœurs, qui sont les véritables rois de la rue et spéculent sur leur autorité pour leur arracher soit de l’argent, soit des faveurs. Aussi répugnant que soit le commerce de la prostituée, il l’est encore moins que celui de cette police des mœurs, vivant sur le dos de la fille soumise, et se livrant à son exploitation, à l’abri des lois et avec l’appui de toutes les institutions sociales de la bourgeoisie.


FILM n. m. Bande pelliculaire, en usage dans les appareils photographiques. Le film sur lequel s’enregistrent les vues prises par l’appareil est formé d’un support transparent, souple, résistant, généralement en celluloïd, et portant une couche sensible photographique. Ce support ayant l’inconvénient d’être inflammable et de présenter ainsi de graves dangers, peut se remplacer par des préparations dérivées de l’acétate de cellulose, beaucoup moins combustibles.

On appelle film : le scénario photographique lui-même. Un beau film. Tourner un film, c’est-à-dire enregistrer une scène de cinéma.

La représentation des images sur l’écran ; l’étude des mouvements, par le ralenti, la coloration et le relief des images, font du cinéma, un art beaucoup plus vivant et riche de promesses que le théâtre.

L’art muet — ainsi qu’on le nomme — évolue sans arrêt et des expériences récentes permettent d’espérer la reproduction, non seulement de la voix — les personnages parleront — mais de tous les bruits, qui seront entendus des spectateurs. Les bruits seront enregistrés sur la bande pelliculaire comme sur un disque de phonographe, et répandus dans la salle par haut-parleurs.

Ainsi, pour le plaisir des yeux, des oreilles, le film créera des chefs-d’œuvre inouïs.

Mais qui peut dire tout ce que nous réserve l’application rationnelle du cinéma à l’éducation de tous : enfants dans les écoles ou foules dans les salles de spectacles ? Il y a beaucoup de réalisations dans ce sens déjà, mais les États sont toujours chiches de crédits pour l’enseignement. Seule une société qui aura tué la guerre et l’autorité sera assez riche pour mener cette œuvre jusqu’à ses ultimes limites. ‒ A. Lapeyre.


FILON n. m. Nom que l’on donne à un amas de matières contenu entre les couches d’une nature différente. Un filon d’argent ; un filon de houille. Découvrir un filon ; exploiter un filon. Les deux faces du filon