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FIN
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FINANCIER n. m. (de finance). Celui qui s’occupe de finance. Personne qui fait des opérations de banque, de bourse, qui spécule, qui traite des affaires d’argent. Un grand financier, un habile financier, un financier véreux, un riche financier. « Les financiers gouvernent la France », dit le Lachâtre. Il pourrait dire le monde. Et il ajoute : « La révolution a plutôt augmenté que réduit leur influence. Il n’y a plus de traitants, de fermiers, de maltôtiers ; mais il y a encore des capitalistes, des banquiers, des fournisseurs. C’est la haute finance et la grande propriété qui, à quelques exceptions près, occupent aujourd’hui, dans la hiérarchie sociale, la place de l’ancienne aristocratie. »

Nous avons vu, d’autre part, (voir les mots : banque, capitalisme, finance), l’influence exercée par l’argent dans le monde moderne ; il n’y a donc pas lieu d’être surpris si les financiers sont si puissants et si ce sont eux qui dirigent toute l’activité économique et politique d’une nation. Responsable de toutes les plaies sociales dont souffre l’humanité, le financier est un parasite qui crée du parasitisme, car il traîne derrière lui toute une armée d’inutiles qui ne donnent absolument rien en échange de ce qu’ils reçoivent de la collectivité. A mesure que se développe le capitalisme, les gros financiers sont de moins en moins nombreux et l’on peut dire que toutes les finances publiques ou privées sont de nos jours gérées par une infime poignée de magnats, véritables despotes, détenant en leurs mains les destinées du monde et jouant sur la paix ou sur la guerre des peuples, selon les intérêts des groupes de commerçants et d’industriels auxquels ils appartiennent.

Dans l’orbite de ces puissants seigneurs évolue toute une multitude de petits bourgeois, coulissiers, remisiers, etc…, véritables valets qui se contentent d’un os à ronger et sont toujours prêts à traiter les affaires plus ou moins louches qui n’intéressent qu’en second la haute finance. Les uns et les autres sont aussi néfastes, aussi dangereux. La vie du financier étant étroitement enchaînée à celle de l’ordre bourgeois, toute la gent financière est réactionnaire et conservatrice à l’excès. Malgré la hiérarchie qui existe dans le monde de la finance, un esprit de corps n’en existe pas moins au sein de cette horde, et si, parfois, par accident, un scandale éclate à la suite de l’abus d’un financier, trop rapace ou pas assez malin, immédiatement la solidarité joue, et l’impossible est fait pour étouffer ce scandale.

Essayer d’affaiblir le financier serait peine perdue. Il est le maître, avons-nous dit, le maître absolu de tout ce qui se décide politiquement, socialement et économiquement sur notre terre. Pour que sa puissance s’écroule, il faut détruire la finance et ses causes, et c’est alors seulement que le travailleur pourra, sous son talon, écraser le financier.


FISC n. m. (du latin fiscus, panier). Les anciens mettaient leur argent dans une sorte de panier appelé fiscus, de là l’origine du mot fisc, qui signifie maintenant : trésor. Le fisc est une des institutions de L’État. C’est l’appareil chargé de la perception des impôts votés par le Parlement ; c’est l’institution qui centralise les revenus d’une nation. Le fisc est l’organisme le plus important du ministère des finances, et par extension, le plus ferme soutien de l’État bourgeois, puisque en exécutant les lois financières, c’est lui qui assure les ressources d’une nation. Tyrannique et impitoyable, pour ceux qui ne peuvent se défendre, c’est-à-dire les petits, il est d’ordinaire assez indulgent pour les « gros », qui échappent assez facilement aux exigences de cette administration. Rien de plus naturel du reste, si l’on admet qu’en régime capitaliste, toutes les charges d’un État doivent retourner en fin de compte sur le dos des masses productrices. Les droits du fisc sont

très étendus et ont été dénoncés par tous les hommes d’esprit libéral. J.-B. Say, le célèbre économiste français du xixe siècle, disait : « C’est une chose toute naturelle que chaque homme prenne l’esprit de son état ; et c’est en même temps une chose assez fâcheuse quand ce même esprit pèse sur la société. La position des agents du fisc, depuis le ministre des finances jusqu’au dernier employé, les rend perpétuellement hostiles envers les citoyens. Tous considèrent le contribuable comme un adversaire, et les conquêtes que l’on peut faire sur lui comme légitimes. Il arrive même que les employés trouvent, à vexer le redevable, une certaine satisfaction d’amour-propre, un plaisir analogue à celui que ressentent les chasseurs, lorsqu’ils réussissent, par force ou par ruse, à se rendre maîtres du gibier. Cet esprit de fiscalité se traduit le plus souvent par l’interprétation judaïque des lois de finances dans les instructions ministérielles ou les règlements auxquels elles donnent lieu, de sorte que le législateur ne saurait trop bien préciser sa pensée. Il est, en outre, surexcité par le système qui proportionne tout ou partie du traitement des fonctionnaires au montant des recettes, et c’est un grand malheur. »

J.-B. Say se trompe, lorsqu’il s’imagine que dans une certaine mesure, le législateur peut améliorer le régime fiscal ; il faut, pour cela, supposer un législateur libre, et indépendant, non soumis aux fluctuations de la politique et détaché de tout intérêt économique. Nous savons que c’est impossible. Les débats financiers d’une assemblée législative sont généralement les plus mouvementés, car ce sont eux qui déterminent les revenus nécessaires à l’État et répartissent les charges de chacun. Or, chaque législateur est l’agent indirect d’un groupe d’électeurs, et son mandat est subordonné à l’attitude qu’il prend en certaines circonstances. Si, politiquement, il est possible au député de biaiser, financièrement, cela lui est plus difficile, car, lorsqu’il est question d’argent, lorsqu’il faut ouvrir son portefeuille pour alimenter les caisses du fisc, le plus conciliant des électeurs devient rébarbatif et jamais il ne pardonnerait à son représentant de ne pas avoir tenté d’amoindrir ou d’alléger sa participation aux charges de l’État. Si l’on sait qu’un gouvernement est le représentant politique des puissances économiques, et que le Parlement n’est qu’un composé — à part de rares exceptions — d’hommes de paille de la bourgeoisie, on comprendra que ni le gouvernement, ni le parlement, ne veulent contrarier la classe dominante, dont ils sont chargés de défendre les intérêts, et que, sous forme d’impôts (voir ce mot) directs ou indirects, ils puisent leurs ressources là même où se trouve le moins d’argent : dans le peuple. C’est donc le peuple qui est la principale victime du fisc, bien que les apparences laissent croire que c’est la bourgeoisie qui est la plus touchée, car c’est elle qui reçoit généralement les feuilles du percepteur ; cela ne doit cependant pas nous tromper, puisque nous ne pouvons ignorer que tous les impôts directs sont répartis par le commerçant ou l’industriel à son compte frais généraux et que c’est le consommateur qui paie tout cela.

Où le fisc se montre particulièrement avide, c’est lorsqu’il fait sévir contre les malheureux. Alors, il n’a plus de mesure. Qu’un travailleur se refuse à payer l’impôt sur le salaire, qu’il ne trouve pas de fonds pour payer une amende, et c’est la saisie ou la prison. Combien de pauvres bougres ont déjà vu vendre leurs quelques meubles aux enchères publiques, parce qu’ils ne pouvaient soustraire de leurs maigres salaires la forte somme exigée par l’agent du fisc ? Combien de travailleurs n’ont-ils pas payé, par des jours de prison, le « crime » de n’avoir pas d’argent ? Non seulement le régime fiscal est arbitraire, parce que c’est la classe productrice qui en fait tous les frais, mais