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d’un ennemi probable, avant qu’il ne devienne trop fort. Il fut admis que l’acte de Nelson d’attaquer et de détruire la flotte danoise à Copenhague sans avertissement préalable, n’avait rien de très chevaleresque ; mais « la raison du plus fort est toujours la meilleure. »

« Donc, en face du dessein bien connu de l’Allemagne de faire hésiter sur mer, même la puissante flotte anglaise, il me semblait que pour l’Angleterre, c’était tout simplement une opération prévoyante de supprimer la flotte allemande, surtout quand l’accomplissement de l’opération — telle que je l’ai tracée pour Sa Majesté — était facile et probablement sans effusion de sang.

« Mais, hélas, le plus petit chuchotement autour de cet acte souleva contre le Premier Lord Marin, supposé belliqueux, quand il était réellement pacifique, une telle fureur que le projet fut abandonné. Et pourtant le moment favorable était bien celui où la non-préparation de l’Allemagne rendait opportune la répétition du coup de Nelson à Copenhague.

« Hélas ! Nous n’eûmes ni un Pitt, ni un Bismarck, ni un Gambetta pour donner l’ordre. »

Devant l’impossibilité de détruire la flotte allemande, l’impérialisme anglais fit alliance avec l’impérialisme français et l’impérialisme russe.

La guerre, devenue inévitable, éclata en 1914. On sait que les puissances « alliées », par des traités secrets, s’étaient assurées le partage des dépouilles du vaincu. La révolution russe vint déranger tous ces plans.

Depuis 1910, un autre impérialisme s’est déclaré qui, depuis 1917 surtout, a pris une grande place dans la compétition : l’impérialisme yankee. Aussi rapace, aussi implacable, aussi cruel que tous les autres impérialismes, il tente de profiter des suites de la guerre pour dominer le marché mondial.

Et c’est maintenant, entre l’Angleterre et les États-Unis, une course folle aux armements maritimes. Ces impérialismes financiers, ces impérialismes capitalistes sont des dangers de guerre permanents.

Il suffit d’une étincelle pour rallumer un feu mal éteint. Il suffirait d’un heurt entre les impérialismes rivaux pour ramener sur le monde une guerre interminée par des traités imbus d’impérialisme.

Cinq puissances sont, actuellement, impulsées par un impérialisme forcené : l’Angleterre, l’Amérique, la France, l’Allemagne et l’Italie. Elles cherchent, chacune de son côté, à dominer les petites nations pour les entraîner dans leur orbe. La Société des Nations n’est actuellement que le champ clos dans lequel se livre sourdement une bataille âpre et impitoyable entre les cinq impérialismes.

D’autre part, le gouvernement de l’U.R.S.S. cherche, lui aussi, à implanter sa domination partout. Le parti communiste mondial cherche et travaille par tous les moyens, à former une immense confédération internationale soumise aux dictateurs du Kremlin. C’est ce que l’on pourrait appeler l’impérialisme bolcheviste, forme nouvelle, mais, à coup sûr imprévue, du marxisme, du socialisme autoritaire.

Tous les impérialismes modernes ont à leur disposition : la diplomatie avec laquelle on crée les incidents internationaux, et la presse, qui trompe le peuple et l’endort avec des phrases à la Briand, et distille, en des articles largement rétribués, toute la littérature patriotique. Civilisation, droit des peuples, honneur national, prestige national — et toutes autres calembredaines — sont les motifs sur lesquels les virtuoses de la plume et du verbe se livrent à d’innombrables variations et qui cachent les appétits insatiables des impérialismes insatisfaits de la dernière tuerie et prêts à déclencher de nouveau le cataclysme effroyable pour l’assouvissement de leurs désirs.

Les impérialismes anglais et français qui ont remanié la carte de l’Europe pour le mieux de leurs intérêts, ont

créé une catégorie de petites nations dont les frontières ne les satisfont pas. Aussi l’Europe actuellement est-elle un véritable volcan prêt à l’éruption. Chaque nation renforce ouvertement ou clandestinement ses armements ; une odeur de bataille plane dans l’atmosphère, et divers incidents qui se produisirent depuis 1920 et qui mirent en vedette des problèmes non encore solutionnés ou bien solutionnés de manière insatisfaisante, ont montré que le danger de guerre subsiste plus intense que jamais.

Il faut à tout prix entreprendre une vaste propagande au cours de laquelle tous les impérialismes seront démasqués. Il faut montrer au peuple que tant que le capitalisme existera, tant qu’un gouvernement subsistera, l’impérialisme pourra créer les mêmes méfaits que ceux qu’il créa depuis vingt-cinq siècles. Il faut bien pénétrer les gens de cette idée que la révolution, que tant d’esprits timorés redoutent, ne sera qu’une escarmouche (si terrible qu’elle puisse être) à côté des guerres impérialistes, et que seule elle pourra nous délivrer à jamais des guerres, en abolissant l’Autorité, la Propriété, la Finance, sources de tous les impérialismes. — Louis Loréal.


IMPIÉTÉ (préfixe im, et du latin pietas ; de pius, pieux). Mépris pour les choses de la religion. Action, discours impie. Mépris pour ce que les erreurs traditionnelles, les préjugés et les êtres « bien pensants » disent devoir être respecté.

En tout temps ceux qui par leurs découvertes ou par leurs spéculations métaphysiques détruisaient un préjugé, démontraient l’inanité et la nocivité de certains concepts surannés se sont vus taxés d’impiété. Ne pas saluer un drapeau, un corbillard ; ne pas admettre le patriotisme et combattre le militarisme ; contester le droit à certains hommes de juger leurs semblables et montrer le ridicule et la malfaisance de toute espèce de tribunal ; nier l’autorité et combattre tous les gouvernants ou aspirants gouvernants ; douter de l’existence de Dieu et flétrir les églises et leurs actes criminels ; se rebeller devant l’autorité familiale ; haïr les fourbes ; dénoncer la propriété, le commerce et la finance comme des institutions malfaisantes et scandaleuses ; adopter les idées darwiniennes et celles qui en découlent sur l’origine des espèces ; en un mot se rebeller contre tous les mensonges, toutes les hypocrisies, tous les préjugés, toutes les conventions établies à la faveur de l’ignorance, c’est commettre une impiété.

L’impiété fut toujours sévèrement réprimée. La mort, les galères, la prison, le supplice furent appliqués aux auteurs d’impiété. Une loi dite du sacrilège (voir ce mot) fut même édictée, sous Louis xviii, qui établissait des pénalités très fortes pour les irrespectueux de l’Église.

Toutes les lois sur la presse, la censure, la répression de la propagande anarchiste, révolutionnaire et antimilitariste n’ont pour but que de combattre les impiétés que nous lançons en circulation.

L’impiété signifie toujours idée de progrès. Les fourbes, les hypocrites et les réacteurs auront beau faire ; ils pourront déchaîner la répression la plus féroce ; ils n’empêcheront pas que dans les cerveaux, enfin éclairés des hommes, ne pénètre l’impiété libératrice qui amènera la Révolution sociale.


IMPONDÉRABLE adj. et n. Se dit de toute substance qu’on ne peut peser, qui ne produit aucun effet sensible sur la balance la plus délicate, comme le calorique, la lumière, le fluide électrique et le fluide magnétique. Ces substances ne se présentent donc pas, comme les corps, sous les trois dimensions : ce sont les forces (voir force). Au figuré : les impondérables de la politique, etc. On commence à rechercher, par delà les événements de l’histoire, la poussée souvent décisive, la coalition