grande partie des colonies portugaises pour y établir des comptoirs commerciaux.
En France, sous Henri IV, Champlain prit possession de Terre-Neuve et du Canada (qui devaient être repris par l’Angleterre). Sous Louis XIV, un ministre, Colbert, perfectionna l’organisation de la marine, et Cavelier de La Salle occupa le bassin du Mississipi (Louisiane), vendue plus tard aux États-Unis ; l’Inde fut déclarée terre française, une compagnie de commerce fut autorisée à avoir une armée et des fonctionnaires. Mais à côté de la compagnie française des Indes, il y avait une compagnie anglaise qui, au bout de cent ans, arriva à obtenir la possession britannique de l’Inde.
Mais, là encore, l’occupation des terres coloniales n’atteignit pas le degré de sauvagerie et d’arbitraire qu’elle devait atteindre au xixe siècle. Jusque-là, il s’agissait simplement d’établir des comptoirs, de vendre ou donner les terres à des colons volontaires. Au commencement du xixe siècle le commerce se développant prodigieusement, l’industrie naissant, l’impérialisme colonial devait avoir une vogue prodigieusement accrue parmi toutes les grandes puissances. Il fallait à tout prix arriver à s’assurer des comptoirs dans le plus grand nombre de contrées possible pour écouler la marchandise, il fallait aussi, au fur et à mesure que l’industrie se développait, aller chercher des territoires riches en matières premières et en main-d’œuvre presque gratuite.
C’est ainsi qu’en 1830, sous un prétexte puéril, les gouvernements de Charles X, puis de Louis-Philippe, se lancèrent à la conquête de l’Algérie. C’était un pays fertile, plus grand que la France, où des richesses sans nombre étaient à accumuler pour le commerce. Durant dix-sept ans, une guerre impitoyable et sauvage fut livrée aux Algériens, au cours de laquelle des scènes odieuses furent provoquées par les colonisateurs. Citons le colonel Pélissier qui enfuma 800 Arabes, hommes, femmes et enfants, qui s’étaient réfugiés dans les grottes du Dahra.
Vers la même époque, l’impérialisme espagnol subit un coup mortel. Ses colonies se soulèvent et réussissent à s’affranchir du joug odieux.
Puis, vers 1860, l’Angleterre se lance dans toute une série de guerres coloniales qui s’étend jusqu’à nos jours. La révolution accomplie vers cette époque dans l’industrie par l’introduction du machinisme, fait que les capitalistes ont besoin de colonies nouvelles pour faire monter les actions des usines, des mines, des compagnies de navigation, pour accaparer les mines d’or du Transvaal, un autre jour le marché chinois, etc., etc., — ce qui donna lieu à l’appellation d’impérialisme anglais qui était monnaie courante avant 1914.
La France, avec Jules Ferry, encouragé par les généraux, les amiraux et les officiers épris d’avancement, par les grosses maisons de commerce avides de se créer des débouchés pour leurs produits, d’écouler du matériel de guerre ou de transporter des troupes et des munitions dans des conditions lucratives, favorisé par l’enseignement trompeur donné à l’école qui éveillait les passions belliqueuses qu’entretenaient les journaux, la France se lance dans le colonialisme à outrance. Que de sang versé, que de tortures infligées, que de pays ravagés, que d’argent dépensé dans ces expéditions lointaines où la troupe se conduisait ignoblement, encouragée dans la bestialité et dans la cruauté par les chefs.
Seulement, en France, on n’avouait pas directement le but comme en Angleterre. Ici, on disait que c’était pour civiliser des peuplades barbares, pour leur apporter les bienfaits de notre civilisation, que nous entreprenions ces aventures. Il faut lire tous les livres, tous les rapports publiés par différents auteurs sur ces expéditions, pour se rendre compte de la monstrueuse hypocrisie des gouvernants prétendus démocratiques.
Il faut voir aux budgets des années d’expédition com-
L’impérialisme financier était né sous couleur de civilisation et presque de croisade, au déclin du xixe siècle. L’Eldorado africain et asiatique fit fureur, comme jadis celui d’Amérique enthousiasma l’Espagne. « Au lieu de s’entre-détruire pour des jalousies mesquines ou des annexions payées trop cher, le partage grandiose de la planète. »
Sur les routes de la haute mer où siègent les orages, dans les profondeurs du Globe assimilé par des équipes d’avant-garde, de promptes enquêtes permettent d’estimer les meilleurs lots. Ceux-là, les lions et les aigles de la famille des nations se les adjugent, suivant le code souverain de la jungle : ego nominor leo.
Sous les yeux avides des gouvernements, s’entassent tous les trésors convoités, exposés avec le prix courant et le tarif d’achat au tableau de la curée : l’or, le blé, le riz, la houille, le fer, le caoutchouc et le pétrole, le coton, les diamants et les pêcheries, sans parler des métaux, des marchandises de luxe qui se rangeaient autrefois dans le compartiment des épices. On devine pourquoi le capitalisme industriel et commercial des grands syndicats est prêt à jouer le tout pour le tout. S’ils ne sont pas arrivés bons premiers, ils ne songent qu’à enlever leur place aux voisins. Par cette voie sanglante se sont enflammés, tour à tour, les cinq parties des deux hémisphères. A côté d’une foule de petites campagnes locales contre les tribus indigènes, émergent des guerres assez importantes pour retentir sur le destin des groupes européens et réagir sur leurs rapports. De ce nombre furent les expéditions anglaises, au sud et au nord de l’Afrique, pour anéantir le Transvaal, pour supprimer les Mahdistes. Du même type colonial relève la guerre des Italiens en Abyssinie, la guerre des États-Unis pour arracher Porto-Rico et Cuba à l’Espagne, la guerre de la Russie en Mandchourie qui embrasa l’impérialisme japonais, les conquêtes de Madagascar, du Tonkin, du Maroc, etc.
Les grandes associations financières avaient trop de profit dans toutes ces aventures pour que l’Allemagne n’entrât pas en jeu et, au début du xxe siècle, elle voulut, elle aussi, participer au festin. Et c’est du conflit de cet impérialisme naissant avec le tout-puissant impérialisme anglais que sortira la plus effroyable catastrophe : la guerre de 1914-1918. On peut s’ingénier à masquer les origines du conflit mondial, rien ne pourra tenir devant les faits. L’Angleterre était déjà contrebalancée au point de vue commercial et industriel par les produits allemands. Devant la volonté allemande de constituer à son tour un domaine colonial, les financiers anglais, tout-puissants (comme en tous les pays, au reste) mirent tout en œuvre pour parer à ce danger. Il fallait que l’Angleterre restât la maîtresse des mers pour le plus grand bien des financiers britanniques. Le gouvernement anglais, plus que tout autre, peut-être, (à part les États-Unis), émanation directe de la finance, s’affola à la pensée que l’Allemagne pourrait un jour contrebalancer son impérialisme. Il fallait, par tous les moyens, empêcher cela.
L’amiral Fisher, qui fut premier lord de l’Amirauté anglaise et le favori d’Edouard VII, a publié, en 1919, des Mémoires dans lesquels on peut se faire une idée de la véracité de ce que j’avance.
Voici, sous le titre Pour Copenhaguer à la façon de Nelson, un monument de franchise qui en dit long :
« En mai 1907, l’Angleterre possédait sept dreadnoughts, prêts pour la bataille, l’Allemagne pas un, et l’Angleterre entretenait des flottilles de sous-marins spécialement adaptées aux mers germaniques, peu profondes. L’Allemagne n’en avait pas.
En 1908, presque en même temps que j’écrivais au roi Edouard, je vis Sa Majesté et lui citai quelques aphorismes appropriés de M. Pitt sur la destruction