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IMPRÉGNER verbe (du latin imprœgnare, féconder). Faire pénétrer dans un corps les molécules d’un autre corps.

Au sens figuré, le mot imprégner veut dire : impressionner vivement, pénétrer.

S’imprégner : Se pénétrer d’une pensée, se mettre intimement en accord avec une doctrine. Nous devons nous imprégner de la doctrine anarchiste si nous voulons abolir toute autorité.


IMPRESSION n. f. (du latin impressio ; de imprimere, empreindre). Action d’imprimer. Marque ; empreinte.

Au sens figuré : effet produit sur l’esprit, le cœur, les sens. Des choses et des gens produisent sur nous, à première vue, une impression agréable ou désagréable.

La vue du malheur d’autrui, d’un accident, du sang versé produit sur nos sens et sur notre esprit une impression de sollicitude et de pitié ; un acte d’arbitraire, une injustice quelconque commis devant nos yeux nous impressionne dans un sens de révolte. On peut juger de la qualité d’esprit et de cœur de quelqu’un à la faveur d’un fait, suivant les impressions manifestées par cet homme. Il faut bien se garder de se fier à la première impression que laisse en nous l’apparition d’un être. Ce n’est que par les actes que l’on peut apprécier exactement quelqu’un, et encore faut-il n’agir qu’avec circonspection. Certains journalistes nous ont laissé des impressions d’audiences qui méritent d’être lues : telles celles de Varenne lors du procès des anarchistes au moment de la période dite : héroïque. Elles ridiculisent à jamais la magistrature et flagellent un public venu là uniquement pour jouir d’un spectacle inédit.

On emploie souvent, dans le langage populaire, le mot impression pour pressentiment, prescience. Ainsi on dira : « j’ai l’impression que telle chose va arriver ». Il faut bien se garder de prendre cette impression pour la réalité.


IMPRIMERIE n. f. (de imprimer, lat. imprimere ; de in, sur, et premere, presser). Art de multiplier l’écriture au moyen d’empreintes provenant de caractères mobiles. Lieu où l’on imprime. Commerce, état, connaissances de l’imprimeur.

L’invention de l’imprimerie, le plus beau titre de gloire du xve siècle, et peut-être de tous les siècles, le fait le plus mémorable du savoir universel, ce merveilleux procédé, vainqueur du temps et de l’espace, qui reproduit à l’infini les travaux de l’esprit et les inspirations du génie, qui doit avoir pour mission de rendre la barbarie impossible et la vérité immortelle devait retenir particulièrement notre attention.

« Trois phases, a écrit Paul Dupont, ont marqué les progrès des connaissances humaines : 1° le langage, qui sert aux hommes à exprimer leurs pensées par l’organe de la voix ; 2° l’écriture, qui peignit la parole ; 3° l’imprimerie, appelée à multiplier les signes des pensées et à les rendre impérissables. » La découverte de l’imprimerie, pour reprendre le mot d’A. Firmin-Didot, sépara le monde ancien du monde moderne et ouvrit un nouvel horizon au génie de l’homme. L’imprimerie, plus que les autres découvertes dont les répercussions sont du domaine matériel, a élevé d’une façon générale le niveau de l’intelligence humaine. L’instruction, qui était autrefois le privilège de quelques riches, a été mise au service des pauvres grâce à l’imprimerie qui a également permis à toutes les applications de la science de se répandre à travers le monde.

« L’Imprimerie ! Qui dira sa puissance et son influence sur les destinées de l’humanité ? Avant cette découverte, la science était un sanctuaire impénétrable au plus grand nombre. On comptait les adeptes initiés à ses mystères. Sous le nom de sciences occultes, l’erreur et

l’imposture avaient aussi les leurs. L’Imprimerie paraît et la face du monde intellectuel est changée. Un nouveau flambeau, allumé pour les yeux de l’esprit, court l’épandre le jour chez tous les peuples de la terre. L’Imprimerie, rayonnant en tous sens dans le vaste domaine de l’intelligence, en perce les profondeurs, en dissipe les ténèbres. Dès lors, on n’eut plus à redouter ces retours de la barbarie victorieuse sur la civilisation expirante. Dès lors, les secrets du savoir, étalés sous les yeux de tous, furent en principe accessibles à chacun. Le besoin de s’instruire s’accrût en proportion des moyens de le satisfaire. De leur abondance naquit l’esprit de discussion et d’examen, qui a mis au néant tant de préjugés et remis tant de vérités en honneur. Les livres, aidés de la liberté qui fut en partie leur ouvrage, ont opéré cette heureuse révolution parmi les hommes. » (C. Michaux)

Que dire du rôle social de l’imprimerie ? C’est Philarète Chasles qui semble le définir de la façon la plus concise : « Quelle volupté délicate s’offrit tout à coup aux intelligences quand elles purent disposer en souveraines de tout ce que le monde a jamais produit d’idées !… Les vrais et grands résultats de l’Imprimerie se trouvent ailleurs. Elle appartient essentiellement au peuple ; elle popularise les connaissances en atomes imperceptibles, elle les répand dans l’atmosphère comme un arôme subtil qui pénètre en dépit d’elles-mêmes les intelligences les plus vulgaires. L’indépendance de l’esprit en est la conséquence nécessaire et la faculté de l’insurrection s’y rattache. Tout comprendre ! Tout savoir ! L’arbre de la science accessible à tous ! Dès le commencement du xvie siècle, les puissants virent ce que c’était que l’Imprimerie ; ils avaient eu d’abord pour elle une grande admiration, ils en eurent peur… Une fois la lumière faite, comment l’éteindre ? Que tenter contre cette seconde délivrance de l’homme, comme l’appelait Martin Luther ? »

L’admiration des hommes envers l’œuvre de Gutenberg et de ses disciples se perpétue jusqu’à nos jours. Nous ne saurions citer de plus belle page à la gloire de l’Imprimerie que les paroles prononcées par M. Georges Renard, professeur au Collège de France, au cours de sa leçon d’ouverture de l’histoire du Travail :

« On ne saurait trop magnifier l’importance de la l’évolution que l’Imprimerie opéra dans les choses de l’esprit. Les historiens s’accordent à signaler la Typographie comme une découverte d’une portée incalculable, comme un bienfait immense, comme une fontaine de Jouvence renouvelant le mon je de la pensée… Dès son apparition, elle est saluée de cris de colère et de cris d’enthousiasme, Elle est maudite par l’armée des copistes qu’elle ruine et condamne presque à mort. Elle est, par le reste de la population, prônée, vantée, célébrée comme une merveille plus divine qu’humaine… Avant tout, elle est la conservatrice de ce qu’ont fait et pensé les générations disparues. Les hommes, de tout temps, ont essayé d’entrer en rapports avec les maris et ceux de nos jours, encore, n’ont pas renoncé à les évoquer. Eh bien ! L’Imprimerie nous met en communication avec ces êtres invisibles ; elle ressuscite pour nous les esprits ; elle perpétue, en les multipliant, les œuvres qu’ils ont conçues ; elle assure la durée à la connaissance des phases qu’a traversées la civilisation humaine ; elle est l’auxiliaire la plus précieuse de l’histoire ; elle doue d’une vie illimitée les documents à demi-effacés qui nous arrivent du fond des âges…

Grâce à elle, les trésors d’expérience amassés par nos ancêtres ne risquent plus d’être perdus. On l’a parfois appelée l’invention-mère des temps modernes, parce qu’elle fait naître d’autres inventions en répandant celles qui sont déjà connues.

… La grande vulgarisatrice a reproduit par milliers,