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« Les masses, dit Félix Sortiaux (Foi et Science au Moyen-âge), ont accepté les croyances sans les discuter, sans chercher à leur trouver un sens ». Tandis qu’un petit nombre d’esprit plus ou moins indifférents aux disputes religieuses ont retrouvé et perpétué la tradition scientifique de l’antiquité et ont fait éclore les premiers germes de la science moderne.

Le christianisme, avec ses doctrines plus ou moins absurdes, n’a pas été embrassé au midi par enthousiasme religieux, la mythologie grecque étant beaucoup plus poétique, plus vivante aux yeux des peuples d’alors que la mythologie chrétienne avec ses demi-dieux ou saints innombrables, son ascétisme anti-humain, sa haine des plaisirs sains, ses anachorètes, etc. Le christianisme a été imposé vers l’année 337 par Constantin en Grèce, par Vladimir en Ukraine, avec une violence épouvantable. Clovis et Pépin le Bref, en Gaule, ont versé des torrents de sang pour supprimer les religions auxquelles ils avaient appartenu, mais si le christianisme était adopté dans la vie extérieure, les croyances païennes persistaient et persistent encore. Les anciens dieux étaient devenus des démons, des êtres malfaisants ou des fées, qu’il faut invoquer. Les couriganes, les anciens dieux, sont encore révérés en Bretagne et ailleurs. Les statues d’anciens dieux protecteurs ont été affublées de noms de saints. Les cérémonies antiques ont été transférées au christianisme : le baptême, les autels, les encensoirs, les images, les processions, le carnaval, sont de faibles imitations des cultes de l’antiquité. Il en est de même des rogations, etc. J’ai vu dans le Valais, en Suisse, de longues processions parcourant les prairies et les alpages en criant à haute voix : « Donnez-nous de l’eau ! » Leur Dieu était sourd, car il fallait hurler ces paroles pour qu’elles montassent au ciel. Les Valaisans auraient mieux fait de creuser des canaux (comme il y en a déjà dans certaines vallées) pour amener l’eau des torrents et des glaciers. Dans quelques endroits où la superstition a presque disparu, on voit les progrès matériels, car les hommes ne s’occupent plus guère de prières et de rogations. Dans les pays protestants, presque partout plus prospères, plus progressifs, plus riches, la crédulité a bien diminué ; on ne voit plus guère d’hommes dans les temples, et ceux qu’on y voit n’y vont qu’à contrecœur, parce qu’ils auraient peur de perdre leur clientèle si on ne les voyait pas le dimanche parmi les fidèles. Chez les femmes, l’incrédulité ne se répand guère ; de tous les temps les femmes ont été les dernières à abandonner les anciennes croyances. On les voit aller consulter des devineresses, des tireuses de cartes, s’adresser à des rebouteurs plutôt qu’à des médecins, etc. Elles sont fières de se proclamer chrétiennes.

Qu’est-ce donc que le christianisme ? C’est un système de doctrines empruntées à l’Ancien Testament et au Nouveau, où ont été incorporées une infinité de superstitions, de cérémonies, prises à d’autres cultes.

Ce christianisme, si profitable aux prêtres, a su s’infiltrer dans les mœurs et devenir un tout puissant moyen de domination et d’exploitation. Cette religion a versé plus de sang que les anciens cultes, elle a abruti des peuples pendant des siècles. Elle fait encore croire aux miracles les plus idiots, comme ceux de Lourdes, où l’adultère Mme  Paillasson a joué le rôle de l’Immaculée-Conception aux yeux d’une petite déséquilibrée, Bernadette. Elle envoie encore des superstitieux venus de tous les pays catholiques pour boire une eau contaminée qui répand les maladies un peu partout. Ici la crédulité est nettement nuisible à la santé physique et morale, mais elle rapporte tant d’argent que les gouvernements, même radicaux-socialistes, n’osent pas empêcher ni même contredire cette exploitation inepte de la bêtise humaine.

Mais les catholiques n’ont pas été les seuls à tyranni-

ser au nom de la religion. Les protestants ont été aussi cruels en Irlande que Louis XIV dans les Cévennes.

Au xviie siècle, les Quakers anglais, qui n’admettent pas de prêtres, pas de guerres, étaient fouettés et emprisonnés en Angleterre, parce qu’ils différaient de la croyance générale. En Amérique, ces mêmes Quakers, apôtres de la paix, étaient persécutés par les Puritains qui avaient fui l’Angleterre afin de pouvoir adorer leur Dieu à leur guise. Ces Puritains brûlaient des sorcières. En Suisse même on a brûlé des sorciers jusqu’à la fin du xviiie siècle, ce sont les idées semées par les sceptiques français qui ont mis fin à ces atrocités.

Le célèbre savant anglais Huxley a écrit : « La croyance à la possession par l’esprit mauvais, à la sorcellerie, a amené aux xve, suédoise et xviie siècle la persécution, par les chrétiens, d’innocents hommes, femmes et enfants, persécutions, tortures plus générales, plus cruelles, plus meurtrières que ne furent les persécutions des chrétiens par les païens durant les premiers siècles du christianisme. »

Il ne faut pas oublier que les persécutions exercées par les Romains avaient leur origine dans la politique, les chrétiens refusant de reconnaître le gouvernement romain ; ils attendaient le retour immédiat du Messie, qui devait les sauver tous en détruisant l’empire romain.

Huxley ajoute : « Nous sommes tous, depuis notre enfance, abrutis par des histoires de diables, de sorcellerie, dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Pour la plupart d’entre nous on ne nous enseigne rien qui puisse nous aider à observer exactement et à interpréter nos observations avec le soin nécessaire. »

Le décret de Jacques Ier d’Angleterre condamnait à mort toutes personnes invoquant les esprits malins, les consultant, les employant, etc., en général pratiquant les arts infernaux. Les inventeurs du téléphone, de la lumière électrique, des chemins de fer, de la navigation aérienne, de la T.S.F., les découvreurs des rayons Hertz et des rayons X auraient subi le martyre il y a 280 ans.

« Nous pouvons déclarer, dit Bradlaugh, que l’incrédulité a guéri les pieds ensanglantés de la science et qu’elle a ouvert la route pour la marche en avant ».

Pendant des siècles les exorcismes, le fouet, les chaînes ont été les châtiments plutôt que les remèdes des maladies mentales. C’est l’incrédule Pinel qui a fait connaître les atroces traitements infligés aux malades d’alors. Les églises ne faisaient rien pour les guérisons scientifiques. Pour les croyants, les maladies étaient infligées par Dieu, et l’on se gardait bien d’appeler le médecin. Encore de nos jours les partisans de la doctrine stupide nommée « Christian Science » croient que la prière et la foi suffisent pour guérir tous les maux. Des sectaires appelés Peculiar People (drôles de gens) sont souvent emprisonnés parce qu’ils laissent mourir leurs proches, enfants ou parents, sans faire venir un médecin. Triste effet de la crédulité.

L’étude des lois de l’hygiène, l’antisepsie et l’application de la science médicale ont fait plus pour la santé du peuple que toutes les prières ; elles ont fait presque disparaître la peste et les grandes épidémies. La grippe infectieuse est venue de l’Espagne, elle s’est répandue en Suisse dans le Valais catholique par les soldats qui apportaient les germes de la maladie. Les prières n’ont rien fait pour sauver les malades. La crédulité répandait les bactéries, comme on l’a vu dans beaucoup d’endroits où les autorités ont fait fermer les églises, lieux de contamination, mais les croyants allaient assister dehors à la messe et y attrapaient la grippe, comme on l’a vu même à New-York, où les autorités avaient interdit les services religieux ; et des milliers de pauvres fous allaient invoquer une relique de sainte Anne. Là encore l’incrédulité aurait été utile.

On se rappelle la récente histoire des mauvais traite-