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infligés au curé de Bombon par des superstitieux qui l’accusaient de jeter des sorts. Cette croyance aux mauvais sorts cause assez fréquemment des assassinats, des incendies de maisons habitées par de pauvres femmes accusées d’être sorcières, etc. Partout la crédulité fait du mal.

Les prêtres sont toujours du côté des persécuteurs chrétiens.

Le grand historien anglais Buckle, auteur de l’Histoire de la Civilisation en Angleterre, a écrit : « Tant que les hommes attribuent le mouvement des comètes au doigt de Dieu, tant qu’ils croient que les éclipses sont un des moyens par lesquels la divinité exprime son courroux, ils ne seront jamais coupables de la présomption blasphématoire, de chercher à prédire de telles apparitions surnaturelles. Avant de pouvoir étudier les causes de ces phénomènes mystérieux, il fallait croire ou du moins supposer que ces phénomènes eux-mêmes pouvaient être expliqués par l’esprit humain. »

De même qu’en astronomie, en géologie le progrès n’est venu qu’à mesure que les théories chrétiennes ont été rejetées. En ethnologie, en anthropologie, il a fallu que l’incrédulité détruisît la croyance au récit de la genèse pour que ces sciences pussent se développer. Il y a encore de nombreuses personnes qui croient à la création du monde il y a quatre mille ans, alors que la science a prouvé que la terre existait déjà il y a des centaines de milliards d’années. Aux États-Unis, il y a des États qui interdisent l’enseignement de la théorie de l’évolution, du Darwinisme, comme on l’appelle à tort.

Le christianisme a persécuté les Juifs jusqu’à la Révolution française en France, jusqu’en 1830 en Angleterre, on les persécute même à présent en Pologne, en Hongrie, en Ukraine, etc. : triste effet de la crédulité. On massacrait, on expulsait de pauvres innocents parce qu’on croyait que leurs ancêtres avaient fait mourir un dieu, ou plutôt un fils de Dieu, qui n’a jamais existé ! Les Juifs eux-mêmes se persécutaient mutuellement parce que d’autres Juifs avaient d’autres idées religieuses.

Les Mahométans massacrent les Hindous qui massacrent à leur tour les Musulmans quand ils le peuvent.

En Angleterre, on condamne encore à la prison pour blasphème. On prétend encore que c’est le christianisme qui a aboli l’esclavage, mensonge évident par lequel les prêtres jettent de la poudre aux yeux des croyants. Il y a quelques mois, l’évêque de Fuharry, en Suisse, est venu à Lausanne faire une conférence où il prétend qu’un des grands services du catholicisme a été l’abolition de l’esclavage. Or les prêtres chrétiens, catholiques ou protestants, en se fondant sur la Bible, ont toujours été d’ardents adversaires de l’abolition. Ce sont les incrédules qui ont assuré ce grand progrès.

C’est le roi chrétien d’Espagne, Charles-Quint, et un moine, qui ont commencé la traite des nègres. Il y a cent ans encore, les très croyants armateurs de Bristol et de Liverpool s’enrichissaient en vendant des esclaves.

L’athée Condorcet, avant la Révolution, avait noblement attaqué l’esclavage, alors que les planteurs français faisaient travailler leurs esclaves à coups de fouets. C’est la proclamation des Droits de l’Homme qui a fait abolir l’esclavage dans les colonies françaises, esclavage rétabli par Napoléon et supprimé définitivement grâce aux efforts d’athées comme Scholleher. Il a donc fallu des incrédules pour mettre fin à une des plus grandes iniquités dont les croyants furent toujours des défenseurs acharnés.

Pour terminer, voyons ce qu’un homme intelligent doit faire. Il doit commencer par faire table rase, selon l’expression de Descartes, de toutes les idées préconçues dont l’éducation, l’influence des milieux, surtout des familles, ont bourré le cerveau. Il ne faut croire à rien

qu’on n’ait d’avance observé soigneusement, ne conclure qu’après avoir vu le pour et le contre, par l’analyse et la synthèse. On s’élèvera peu à peu à une croyance solide, en dehors de toute foi religieuse, de toute superstition atavique.

L’homme incrédule n’adoptera pas les doctrines politiques hasardées, les programmes des beaux parleurs qui veulent profiter de l’assiette au beurre, il n’élira pas des représentants qui se moquent bien de leurs promesses. L’incrédule restera lui, il sera un vrai anarchiste. — G. Brocher.


INDÉFINI adj., accidentellement subs. (du latin indefinitus). Qui n’est pas délimité, soit dans l’absolu, soit au regard de nos connaissances. L’humanité nous paraît susceptible d’un développement indéfini, mais ce progrès n’est pas nécessairement conditionné par l’infini divin. En philosophie, l’indéfini désigne l’indéterminé, non l’infini. « Il s’oppose à défini, comme infini à fini. Il signifie ce qui n’a pas de limites que notre esprit conçoive, mais qui peut en avoir dans la réalité. L’idée d’indéfini exprime une expérience possible, celle d’infini traduit une idée posée a priori » (Larousse). Une idée qui manque de définition est dite indéfinie. Le terme indéfini désigne en logique la proposition qui convient au général non au particulier. En grammaire, il exprime une idée vague qu’on n’applique point à un objet précis, à une époque déterminée : article, adjectif, nom, sens, sujet, passé indéfinis. L’infinitif, le participe, modes sans personnes, sont des modes indéfinis. En chimie, les combinaisons indéfinies sont celles qui se font en toutes proportions.


INDÉPENDANCE n. f. « C’est, dit Littré, l’absence de dépendance » (Voir ce mot). Est indépendant qui ne dépend de personne.

L’individu ne peut être indépendant que lorsqu’il trouve en lui-même, soit d’instinct, soit par l’observation et la réflexion, les mobiles de ses actes, et lorsque sa propre industrie lui fournit les moyens de se passer du concours des autres ou, tout au moins, de n’y recourir que dans la mesure des rapports indispensables. L’individu indépendant se refuse à toute sujétion volontaire et défend avec opiniâtreté sa liberté individuelle (voir ce mot). Il n’admet avec les autres que des relations harmonieuses où la personnalité de chacun est respectée ; sinon, il les repousse. L’indépendance n’est, le plus souvent, que dans la solitude. « L’homme le plus fort est celui qui est le plus seul », a dit Ibsen. Cet homme est le plus fort parce qu’il trouve ses forces en lui-même et a moins besoin des autres. Il est, pour la même raison, le plus libre et le plus indépendant.

C’est par l’esprit que l’homme est indépendant plus que par sa situation sociale. On peut tourner la meule sous le fouet et demeurer le plus libre des hommes parce qu’on porte en soi une force d’âme qu’aucune coercition ne vaincra. On peut être un grand seigneur et le plus vil des esclaves, parce qu’on n’est qu’un courtisan n’attendant rien que du prince. Blanqui, qui passa quarante ans de sa vie en prison, fut le plus libre des hommes ; il était plus indépendant que les gens au pouvoir et que les valets qui l’emprisonnaient.

C’est une erreur profonde, une grossière tromperie, de dire : « La fortune seule donne l’indépendance ». Cette formule est bien représentative de l’esprit « bourgeois » ; elle est l’exact reflet de ceux qui rapportent tout à l’argent, qui n’attendent rien que de lui et qui ajoutent non moins faussement : « Sans argent, point de bonheur ! » Combien il serait plus exact de dire : « Grâce à l’argent, tous les esclavages et tous les malheurs », la possession de l’argent étant de toutes les monstruosités sociales la plus fatale au bon équilibre des rapports entre les hommes !… La fortune traîne après elle