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loppaient, accentuaient la tendance homosexuelle. Dans ses Prison Memoirs of an Anarchist, le révolutionnaire Alexander Berkman raconte la naissance, dans ce milieu spécial, d’un amour unisexuel.

Alors que l’élément masculin normal montre le plus souvent une hostilité farouche à l’égard de l’homosexualité masculine, il se montre bien plus indulgent à l’égard des homosexuels du genre féminin (lesbiennes, saphistes, tribades), que l’hindoustani désigne par cinq mots différents. Dès lors qu’il s’agit du beau sexe, il est porté à considérer cette anomalie comme un péché mignon. Il convient de faire remarquer que l’homosexualité féminine n’a pas été étudiée avec autant de soins et de détails que l’homosexualité masculine, la documentation est loin d’être aussi importante, et les spécialistes obtiennent moins facilement une confession de la femme que de l’homme. Il existe probablement beaucoup plus de femmes vivant « en ménage » que d’hommes ; les mœurs le supportent plus facilement.

Citons, parmi les ouvrages que l’homosexualité féminine a inspirés : La Religieuse de Diderot ; Mademoiselle de Maupin, de Théophile Gautier ; Parallèlement, de Paul Verlaine ; Les Chansons de Bilitis, de Pierre Louys, un chef-d’œuvre.

L’attitude des individualistes anarchistes à l’égard de l’homosexualité est dénuée de préjugés, de parti pris ; elle concilie le point de vue scientifique avec le respect le plus absolu de la liberté individuelle. Dans le N° 15 de L’En Dehors (nouvelle série), le philosophe-romancier individualiste Han Ryner a déclaré que les causes des perversions sexuelles lui apparaissaient « multiples, complexes, enchevêtrées. Les obstacles à la satisfaction normale sont du nombre — ajoute-t-il — mais la pleine liberté diminuera ces fantaisies moins qu’on ne le croit. Je ne trouve d’ailleurs rien de coupable dans ces recherches, si tous les participants ont l’âge de raison et si aucun ne subit de contrainte ». Un autre philosophe individualiste, l’esthéticien Gérard de Lacaze-Duthiers, au cours d’une réponse à une Enquête sur le Sexualisme, a écrit (N° 136 du même journal) : « Je suis contre tous les tabous sexuels. Je suis pour toutes les libérations. Je ne m’effraye d’aucune combinaison d’ordre sentimental ou érotique, estimant que chaque individu a le droit de disposer de son corps comme il lui plaît et de se livrer à certaines expériences ».

Somme toute, logiques et conséquents, les individualistes anarchistes nient qu’il appartienne à la loi, à l’autorité d’intervenir. Les cas d’inversion de l’ordre congénital regardent les homosexuels eux-mêmes ; ceux qui sont vraiment des maladies relèvent, si la preuve en est faite, de la pathologie et non point de sanctions disciplinaires… Ils reconnaissent aux homosexuels le droit de s’associer ; de publier des journaux, des revues, des livres, pour exposer, défendre leur cas, réunir à leurs groupements les uranistes qui s’ignorent. Les individualistes anarchistes ne font pas d’exception pour les invertis de l’un ou l’autre sexe. — E. Armand.

Bibliographie. Hoessli : Éros (La Pédérastie chez les Grecs), Munster en Suisse, 1836. — Forberg : Manuel d’érotologie classique, Paris, 1862. E. J. de Goncourt : Histoire de la société française durant la Révolution, Paris, 1855. — P.-L. Jacob : Bibliographie et Iconographie de tous les ouvrages de Rétif de la Bretonne, Paris, 1875. — Gesner : Socrate et l’amour grec, Paris, 1877. — Eulenburg : Neuropathia sexualis, Leipzig, 1885. — Paul Moreau : Des aberrations du sens génésique, Paris, 1887. — Paul Sérieux : Anomalies de l’instinct sexuel, Paris, 1888. — Dr  Schrank-Notzing : Suggestionsthérapie, Munich, 1892. — Dr  Chevalier : L’Inversion sexuelle, Paris, 1893. — Dr  André Raffalovitch : Uranisme et Unisexualité, Lyon, 1896. — Dr  Laupts : Perversion et perversité sexuelle, Paris, 1896. — Von Krafft-Ebing : Nouvelles recherches dans le domaine

de la Psychopathie sexuelle, Stuttgart, 1896 (en allemand, mais Krafft-Ebing a été traduit en français). — A. Moll : Recherches sur la « libido sexualis », Berlin, 1898 (en allemand). — Ulrichs (Numa Numantius) : Œuvres complètes, Leipzig, 1898 (en allemand). — Dr  Ch. Féré : L’Instinct sexuel, évolution et dissolution, Paris, 1899. — Dr  A. Moll : Die Kontraere Sexualempfindung, Berlin, 1899. — Dr  Eugen Duehren : Le Marquis de Sade et son temps, Berlin et Paris, 1901. — Dr  Magnus Hirschfeld : Der Urnische Mensch, Berlin, 1902. — Edward Carpenter : The Intermediate Sex, London, 1908. — Dr  Laupts : L’Homosexualité et les types homosexuels, Paris, 1910. — Havelock Ellis : L’Inversion sexuelle, Paris, 1914. — Consulter aussi les ouvrages se rattachant à l’école psychanalytique et certains ouvrages de Camille Spiess (Le Sexe androgyne ou divin, Paris, 1928). Charles Gide, Dr  Porché, Dr  F. Nazier, etc…


INVESTITURE n. f. (lat. investire, revêtir, de in, sur et vestis, vêtement). C’est l’action de revêtir, de mettre en possession, d’investir quelque personnage d’un fief, d’un immeuble, d’un bénéfice, d’une dignité ecclésiastique. L’investiture s’accompagnait d’ordinaire d’un cérémonial réglé par la tradition, et comportait une célébration de caractère rituel.

Aux termes du droit féodal, le seigneur donnait à son vassal l’investiture, marquée par quelque remise symbolique (lance, couronne, rameau, etc.), signe de la propriété ou du pouvoir. La crosse et l’anneau, remis aux évêques par les princes — autorités profanes — étaient, pour ces dignitaires, le signe de l’investiture. Les papes donnaient, en échange, l’investiture des royaumes… Le pouvoir régnant, passant outre aux élections, en vint à détenir la disposition même des évêchés, des abbayes. Des scandales — en Allemagne surtout — marquèrent les répartitions des charges, octroyées à des courtisans, conférées avec « simonie ». La querelle des Investitures mit aux prises, pendant un demi-siècle, en conflits sanglants, les papes et les empereurs d’Allemagne. En dépit d’un long usage et du blanc-seing d’un concile, Grégoire VII et ses successeurs sur le trône de saint Pierre firent tout pour dessaisir les princes séculiers des prérogatives d’une investiture qui s’étendait jusqu’aux papes. Fixée « par le sceptre » par le concordat de 1122, l’investiture fut faite bientôt de vive voix ou par écrit… La lutte aboutit au principe de la séparation des pouvoirs et accentua la démarcation du temporel et du spirituel (Voir Histoire des Papes).

Empruntons au Lachâtre cet exposé des investitures en matière de biens : « La translation de la propriété fut, chez tous les peuples, entourée de pratiques symboliques, de formalités solennelles. Pour valider une aliénation, on avait recours à des signes extérieurs destinés à annoncer, de la part de celui qui aliénait, l’intention de se démettre de son droit de propriétaire, et, chez celui auquel la cession était faite, la volonté de devenir propriétaire. Ces signes furent primitivement déterminés par les lois et par les coutumes ; en général, on choisit les symboles qui eurent le plus de rapports avec la chose transmise ; la translation d’un champ, par exemple, fut indiquée par la remise d’une motte de terre, par celle d’une touffe de gazon, prise dans ce champ, aux mains de l’acquéreur : et, pour exprimer que ce n’était pas le sol tout nu qui était ainsi aliéné, on ajoutait aux premiers symboles une branche d’arbre pour exprimer les produits de la terre, un bâton pour marquer l’autorité du maître. On ajouta quelquefois la remise d’un couteau, afin d’indiquer le pouvoir de couper, de disjoindre, etc. (jus utendi et abutendi). Il y avait une foule d’autres formes d’investiture. Ducange et Carpentier donnent des