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KABBALE (de l’hébreu kabbalah, réception, tradition). Qu’est-ce donc que la Kabbale, dont tant d’occultistes se prétendirent et se prétendent encore les disciples, à la connaissance de laquelle on ne parvenait, affirmait-on, qu’après maintes initiations et dont il ne fallait parler que le doigt sur les lèvres ?

La Kabbale est une théosophie juive qui prit naissance environ 200 ans avant l’ère vulgaire et circula secrètement jusqu’au xve siècle, époque où l’érudition chrétienne commença à s’en préoccuper.

Pour certains adeptes, la Kabbale est regardée comme une tradition divine, transmise à Adam ( !), pour d’autres elle fut transmise à Moïse ( !  !). Considération d’origine à part, la Kabbale a exercé une énorme influence sur le judaïsme en particulier et sur l’esprit humain en général. Dépouillée de tout le mystère dont on se plaisait à l’entourer anciennement, elle reste un système théosophique et philosophique très profond, très original.

La Kabbale est une philosophie de l’ordre panthéiste. Dans un premier livre kabbalistique, le Sepher iecirah (le livre de la création), elle nous montre, à travers le voile allégorique, tous les êtres, tant les esprits que les corps, tant les anges que les éléments bruts de la nature, sortant par degrés de l’unité incompréhensible qui est le commencement et la fin de l’existence. À ces degrés, à ces formes immuables de l’être est donné le nom de sephirots et ils sont au nombre de dix : l’esprit de Dieu, l’air, l’eau, le feu, les quatre points cardinaux et les deux pôles. Avec ces éléments Dieu a construit son temps qui est l’univers. En conclusion, dans ce premier livre, qui est l’explication de la création, la Kabbale considère l’Unité élevée au-dessus de tout et regardée à la fois comme la substance et la forme des choses ; en outre, le principe de l’émanation est substitué ouvertement à celui de la création.

C’est dans le Zohar (lumière), livre qui semble bien postérieur au « Sephir iecirah », que les kabbalistes ont déposé leurs plus secrètes pensées, leur système dans sa mystique originalité.

La nature de Dieu est définie comme dans le « Sephir iecirah », c’est la substance, la cause immanente, le principe à la fois actif et passif de tout ce qui est. Il n’y a qu’un seul être et c’est lui, car tout ce que nous prenons pour existences indépendantes sont simplement l’expression variée de son existence unique. Du sein de cette unité indivisible sortent les « sephirots ». Les trois premiers : l’être absolument un, la raison éternelle ou verbe, la conscience que la raison a d’elle-même, forment une trinité indivisible qu’on représente sous la forme de trois têtes confondues en une seule. Les sept autres « sephirots » : l’intelligence, la grâce et la justice, se combinant pour donner la beauté ; le triomphe, la gloire et le fondement se réunissent pour former l’homme idéal ou céleste, médiateur éternel entre Dieu et le reste de la nature. Après avoir engendré ses propres attributs, Dieu procède à la génération des autres êtres : tous sortent de son sein et participent

de son être, mais à des degrés divers, selon la distance qui se trouve entre les effets et la cause.

La matière est le dernier anneau de cette chaîne dont l’homme idéal ou « premier Adam » est le premier.

La partie du système la plus remarquable est celle qui concerne l’âme humaine et l’homme tout entier. L’homme selon la Kabbale est le résumé et l’œuvre la plus accomplie de la nature : par son âme, il est l’image de l’homme idéal, par son corps il représente en partie l’univers et mérite le nom de microcosme ; de là les mystiques correspondances que les auteurs du « Zohar » cherchent à établir entre les différentes parties de notre organisation humaine et celle du monde extérieur.

L’homme spirituel, image de la trinité divine, est formé par la réunion de trois principes : 1° d’un esprit, foyer de vie intellectuelle et contemplative ; 2° d’une âme, siège de la volonté et du sentiment ; 3° d’un esprit plus grossier immédiatement en contact avec le corps, principe des instincts, des sensations. Le « Zohar » reconnaît un quatrième élément d’une nature extraordinaire : c’est la forme extérieure de l’homme, conçue comme une existence à part et antérieure à celle du corps.

En ramenant l’essence des choses à celle de la pensée, les kabbalistes sont arrivés à la théorie des idées, qui les a conduits à son tour aux conceptions de la préexistence et de la réminiscence.

Malgré le panthéisme idéaliste qui fait le fond de leur théosophie, les auteurs du « Zohar » admettent la liberté humaine comme un mystère. Et pour concilier ce mystère avec la destinée inévitable des âmes (retour à la source divine), ils adoptent la conception de la métempsychose.

Cette trop courte exposition montre que la Kabbale n’offre rien de plus mystérieux que la plupart des systèmes de l’Orient, ceux principalement qui ont paru aux environs de la naissance du christianisme.

Philon, Avicenne, Raymond Lulle, Pic de la Mirandole, Paracelse, Reuchlin, les deux van Helmont ont été des kabbalistes.

La Franc-Maçonnerie et les Illuminés du xviiie siècle ont été manifestement influencés par la Kabbale. On retrouve des idées chères aux kabbalistes chez Spinoza, Hegel, Nietzsche et dans le Monisme. — E. Armand.

Bibliographie. — Knor de Rosenroth : Kabbala denudata, Francfort 1684 ; Wachter : Le spinozisme dans le Judaïsme (en allemand), Amsterdam, 1649 ; Freystad : Kabbalismus und Pantheismus, Kœnigsberg, 1882 ; Ad. Franck : La Kabbale ou la Philosophie religieuse des Hébreux, Paris, 1843.


KANTISME n. m. Système de philosophie, fondé à la fin du xviiie siècle, par Emmanuel Kant. Aux philosophies du passé, que l’attribution de « vérités » abusives à une âme impénétrée, conduisait à des affirmations dogmatiques, aux sceptiques désorientés à leur tour devant l’impuissance de la raison à éclairer l’homme sur le monde et sur lui-même, Kant oppose