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MAS
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sauvages, nom donné aux racines du mabouyer, que les naturels du pays employaient pour faire des massues. Massue, ou grande massue d’Hercule, nom donné par les marchands de coquilles au rocher cornu, à cause de la longueur du canal et de la brièveté de la spire de cette coquille ; on l’appelle aussi, massue épineuse.

Argument massue. Celui que l’on tient en réserve comme le plus probant. Dans un discours ou un écrit, il est généralement tenu en réserve comme l’arme suprême, destinée à frapper un grand coup, à confondre l’argumentation adverse.


MASTICATION n. f. latin masticatio, action de broyer, de mâcher les aliments.

Bien que, de prime abord, le sujet paraisse minime, il est cependant d’importance, la mastication jouant un rôle de premier plan dans la nutrition de l’individu. Son action a pour but, non seulement de réduire en bouillie par le broiement plus ou moins attentionné, les aliments solides ; mais surtout d’imprégner de salive (agent très actif de digestion), chaque particule alimentaire.

L’erreur qui consiste à croire que les phénomènes digestifs ont pour théâtre unique l’estomac est très répandue. Cependant l’élaboration des substances alibiles commence dans la bouche pour se poursuivre le long du réseau gastro-intestinal. La salive, comme les sucs gastriques, pancréatiques et hépatiques est ainsi un élément indispensable à la bonne marche de la digestion.

Il faut donc bien se garder de croire que le fait d’absorber des aliments liquides ou demi-liquides (tels que : lait, potages, bouillies) dispense d’une mastication appliquée ou d’une trituration buccale qui, à l’occasion, en tient lieu. Les aliments ayant subi une insuffisante imprégnation salivaire pénètrent dans l’estomac incomplètement préparés. Et cet organe, aux tâches déjà lourdes et qu’il conviendrait d’alléger, devient le siège de troubles fermentescibles dont le cycle d’ailleurs se poursuivra inéluctablement jusqu’à l’évacuation.

Les amylacés sont, en particulier, justiciables d’une bonne digestion buccale. Plus que tous autres ils exigent une insalivation soigneuse, les sécrétions parotidiennes, sous l’action de ferments spécifiques, transformant l’amidon en sucre et en dextrine.

Non seulement, les aliments insuffisamment broyés et insalivés sont susceptibles de provoquer, à la longue, des troubles digestifs et autres par l’élaboration de poisons résultant des fermentations stomaco-intestinales qu’ils engendrent, mais la valeur nutritive des parties non digérées est absolument nulle. Elles ont été absorbées en pure perte malgré l’énorme travail qu’elles ont imposé aux organes intéressés.

Des expérience tentées sur des sujets normaux et maladifs ayant adopté une méthode masticatoire rationnelle permirent à ceux-là de réduire de 50 p. 100 leur ration alimentaire sans diminuer pour cela leur force ni leur poids. Au contraire, dans les cas pathologiques une amélioration sanitaire fut constatée.

Si nous nous reportons, par la pensée, aux époques reculées où vivaient les hommes primitifs, nous sommes obligés d’admettre que leur mode d’alimentation différait sensiblement du nôtre. Ne connaissant ni l’usage du feu qui, par la cuisson, amollit la cellulose végétale ou l’albumine animale, ni aucun instrument, même rudimentaire, permettant leur fragmentation, ils étaient astreints obligatoirement, ainsi que les animaux, à une vigoureuse gymnastique maxillaire. La robustesse de leurs organes sains et exercés faisait le reste. Mais, quand le génie inventif des -

hommes les eut dotés d’instruments et d’ustensiles appropriés, quand ils eurent développé leurs procédés culinaires, réduisant à mesure la part de la contrainte naturelle, l’effort pénible ‒ mais vivifiant ‒ attaché à la sustentation s’adoucit et les générations s’abandonnèrent de plus en plus à de faciles déglutitions. Je dis s’abandonnèrent, car le relâchement de l’énergie dépassa le secours des agents de complément et les humains, portés, par la paresse, la gourmandise et une hâte circonstanciée, à des absorptions précipitées, mâchèrent toujours moins leurs aliments. On les vit ‒ l’exemple en est aujourd’hui quotidien chez nos contemporains surmenés ‒ engloutir en moins d’un quart d’heure des mets copieux et étrangement cuisinés. Ils appauvrirent ainsi, tarirent parfois les bienfaisantes sécrétions glandulaires excitées jusque là par des efforts physiques de nécessité primaire…

Le nouveau-né cependant n’échappe pas à cette loi de pré-digestion buccale. Chez lui, la succion remplace la mastication et déclenche semblablement et automatiquement la sécrétion salivaire. Le lait, appelé par minces filets, est abondamment insalivé avant la déglutition ; il pénètre dans l’estomac par menues portions et il y est, grâce à son extrême division, facilement attaquée par les sucs gastriques. Ce qui explique que l’alimentation artificielle du nourrisson ne doit s’effectuer qu’au moyen de biberons dont la tétine est percée de trous minuscules.

L’Américain Fletcher est, à notre connaissance, le premier pionnier de la mastication méthodique et volontaire. Ayant constaté les heureux effets de son application sur un grand nombre de personnes souffrant préalablement de troubles dyspeptiques, il entreprit une campagne de vulgarisation dans la presse américaine avec le concours de médecins qu’il avait convertis à cette idée. Un grand nombre de ses compatriotes, pour qui « le temps c’est de l’argent », et qui ne consacraient au repas qu’un laps de temps dérisoire, furent convaincus de l’efficacité de cette nouvelle méthode et, grâce à elle, recouvrèrent, pour la plupart, la santé. Le fletchérisme était né. Aujourd’hui, sa consécration médicale et hygiénique est un fait accompli.

Outre la valeur thérapeutique du flélchérisme, la satisfaction gustative qu’il procure aux gourmets vaut bien la peine de l’astreinte. Les aliments mâchés convenablement procurent un plaisir sensuel que la gloutonnerie aux impatiences avides ne peut susciter. Les travaux de Pavlov établissent qu’une mastication prolongée accroît aussi les sécrétions gastriques.

Une mastication convenable a d’autres conséquences insoupçonnées. La physiologie enseigne que tout organe demeurant sans fonction est voué à l’atrophie. La non-observance de la mastication engendre une déchéance organique du système dentaire ‒ favorisée par l’usage alimentaire de substances désagrégeantes ‒ qui se traduit si fréquemment aujourd’hui par une altération prématurée de la denture du civilisé. Si les hommes persistent dans cette abstention d’une part, et si, d’autre part, ils restent abusivement fidèles aux aliments corrodant, les générations futures devront recourir à la prothèse dentaire dès l’âge le plus tendre.

Le jeu de l’appareil masticateur, l’action du broiement alimentaire déterminent une congestion de la gencive qui est favorable à la nutrition des dents et contribue à leur conservation. Inutile d’ajouter que l’hygiène de la bouche ne peut que renforcer ce résultat.

L’habitude de la mastication constitue donc une mesure préventive et curative d’hygiène. Adjointe aux autres pratiques hygiéniques, elle contribue à assurer l’équilibre des facultés physiques et mentales des individus. Une rééducation de cette fonction s’impose donc