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un seul élève. Il nous faudra tout d’abord, mais peu à peu, au cours de notre œuvre éducative, faire connaissance avec cet enfant, nous efforcer de connaître l’état de son développement mental, ses acquisitions antérieures, ses aptitudes, ses intérêts, car le but que nous proposerons doit être adapté à tout cela, à moins que nous ne voulions poursuivre l’irréalisable et remplacer l’éducation par le dressage. Ceci nous sera également indispensable, si nous voulons déterminer nos points de départ et adapter les progressions à suivre aux possibilités de notre élève. Après cela la méthode sera, au moins théoriquement, fort simple : il nous suffira de choisir ou de réaliser les conditions de milieu, de matière et de procédés de telle façon que ce choix ou cette réalisation réponde aux intérêts de l’enfant — surtout à ceux qui sont en plein épanouissement ou naissants ; — permette de suivre la progression que nous avons déterminée. Il nous faudra choisir, sélectionner parmi de multiples occasions, faire naître au besoin des occasions favorables, car le pédagogue, si libéral soit-il, ne doit pas être un soliveau. On s’imagine aisément un tel enseignement idéal placé à la croisée des chemins dont l’un conduit au savoir suivant une progression soigneusement déterminée et dont l’autre, plus tourmenté, suit l’évolution des intérêts de l’enfant.

L’application de la méthode idéale à une collectivité d’enfants suppose en plus la détermination pour toutes les matières et tous les types intellectuels : 1o  de la progression convenant aux élèves moyens ; 2o  des étapes de cette progression qui peuvent être réunies lors de l’enseignement aux élèves forts ; 3o  de celles de ces étapes qui doivent être divisées pour faciliter les progrès des élèves faibles.

Si l’on joint à ceci toutes les conditions que nous avons indiquées précédemment, il n’est pas malaisé de se rendre compte que l’idéal que nous avons déterminé est parfaitement inaccessible. Mais, comme nous l’avons dit dès le début de cette étude, cet idéal est un guide précieux qui nous permettra de marcher dans la voie du progrès sans sacrifier les améliorations essentielles aux progrès de moindre importance.

VI. De quelques conditions du progrès. — Cette recherche de la méthode idéale nous permet de concevoir également quelques conditions qu’il serait nécessaire de réaliser pour favoriser la marche du progrès. Citons seulement les principales : 1o  transformation des milieux éducateurs ; 2o  meilleure formation des maîtres ; 3o  collaboration des maîtres et des familles ; 4o  classes à effectifs réduits.

Méthodes et systèmes. — Il a été question, au début de cette étude des méthodes Decroly, Montessori, etc. Il en est d’autres ; à certaines on donne tantôt le nom de méthode et tantôt celui de système et parfois même le mot plan (plan Dalton, etc.) est employé.

Pour l’étude de ces méthodes, systèmes ou plans nous renvoyons le lecteur au mot système. — E. Delaunay.

Bibliographie. — Faute de place nous avons négligé certains sujets. Sur la méthode scientifique on pourra lire : H. Le Chatelier : Science et Industrie (Flammarion, édit.) ; divers ouvrages de Louis Favre (A. Costes, édit.), etc. Sur les méthodes de la psychologie nous recommandons l’étude de Lalande, Tome I du Traité de Psychologie de Dumas (Alcan, édit.) Sur les méthodes de psychologie et de la pédagogie expérimentale on lira avec fruit : Ed, Claparède : Psychologie de l’enfant et Pédagogie expérimentale (Fischbacher, à Paris ou Kundig, à Genève). Sur le développement de l’Enfant les ouvrages de Descœudres, Piaget, Luquet, etc. Sur la méthode propre à la formation de la pensée : Dewey : Comment nous pensons (Flammarion édit.). — E. D.


MÉTIER n. m. (anciennement : mestier ; du latin populaire misterium, altération de ministerium, office, service). Le mot métier désigne certaines machines ; il peut s’appliquer à une profession quelconque ; surtout il est synonyme d’art manuel. En ce qui concerne la technique des métiers, le machinisme industriel, la socialisation des instruments de production, l’orientation professionnelle, etc…, nous renvoyons aux articles spéciaux. Ici nous étudierons la raison d’être des métiers, le sens de leur évolution, la parenté originelle et durable qui permet d’associer l’habileté manuelle au savoir et à la beauté.

Inférieur par la force ou l’adresse à nombre d’espèces animales, faible et presque désarmé, lorsqu’il est réduit à la seule puissance de ses jambes et de ses bras, l’homme possède, par contre, cette supériorité incomparable de savoir se servir d’outils. Lancer des pierres, frapper avec un bâton, déchirer à l’aide d’un éclat de silex, ces actions, si simples en apparences et qui réclamaient si peu de réflexion, marquèrent pour l’activité humaine le début d’une ère nouvelle. Utiliser la matière inerte pour décupler ses forces organiques, contraindre la nature à le servir, le chelléen savait le faire et probablement aussi ses ancêtres très lointains dont la préhistoire (voir ce mot) parle encore à peine. Les premiers métiers de nous connus consistèrent à tirer, de morceaux de silex : haches, couteaux, racloirs et instruments divers. Pour aboutir là, les efforts de bien des générations furent indispensables, car la pierre n’est point matière docile ; à l’époque de la pierre taillée, la psychologie du sculpteur reste rudimentaire, mais son adresse manuelle est considérable déjà. En affirmant, de l’homme, qu’il a une intelligence parce qu’il a une main (voir ce mot), Anaxagore était plus proche de la vérité qu’on ne le croit d’ordinaire. C’est au cours de sa lutte contre la matière que l’esprit s’est développé ; la main est aujourd’hui l’instrument docile de la pensée, mais la pensée fut éduquée par le travail de la main, à l’origine. Parce qu’il a façonné bois et pierre, afin de les utiliser comme instruments, l’homme s’est éloigné du gorille pour devenir l’être raisonnable qui commande en maître aux éléments. Entre les métiers assurant la fabrication des haches de silex, puis, plus tard, des objets en ivoire ou en bois de renne, et les métiers modernes, les différences s’avèrent prodigieuses ; néanmoins, les seconds dérivent des premiers. L’histoire de leurs perfectionnements successifs se confond avec l’histoire même du progrès humain. Ajoutons que technique manuelle, art et science restèrent longtemps confondus. C’est afin de mieux régler les travaux des champs que le laboureur désira connaître le cycle exact des saisons, c’est afin ne de pas s’écarter de la bonne route que le pilote s’intéressa aux mouvements sidéraux ; il n’est pas jusqu’aux mathématiques qui ne se confondent, à l’origine, avec l’art de l’architecte et de l’arpenteur. Bien plus tard seulement la connaissance scientifique cessa d’être associée à la pratique d’un métier pour devenir spéculative et désintéressée. Même aujourd’hui, certaines professions manuelles exigent un savoir théorique de haute qualité. Quant à l’art, il resta durant des millénaires, intimement uni à l’exercice des métiers. Sculpter, peindre, etc…, supposent, il est vrai, des qualités mentales qu’on ne saurait confondre avec la dextérité manuelle ; mais c’est à des objets d’utilité pratique que l’homme appliqua d’abord ses talents d’artiste. Le décorateur, l’architecte furent longtemps de simples constructeurs ; le potier devint rapidement peintre et dessinateur ; le fondeur, ouvrier d’art. Si nous passons, de l’époque préhistorique, à celle mieux connue déjà de l’Égypte ancienne, nous trouvons l’artisan ravalé au niveau de la bête par les puissants de ce temps-là. « J’ai vu le forgeron à la gueule du four, lit-on sur certains papyrus ; ses doigts sont rugueux, comme des