Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MIL
1566

Une faculté — qu’a commandée vraisemblablement le besoin — est commune aux espèces périodiquement migratrices, c’est le sens de la direction, de l’orientation, encore mal connu. Le cosmopolitisme de certaines espèces (hibou, brachyote, etc…) parait tenir à leurs migrations irrégulières à travers les continents, migrations suspendues par de longues stations… Les phénomènes de dissémination qui déplacent certaines espèces végétales est parfois aussi appelé migration…


MILIEU. n. m. (préfixe mi et lieu : du latin medius locus). Ce mot est synonyme de centre. Il sert à désigner un endroit à peu près également éloigné des extrémités ou de la périphérie. On dit : le milieu d’un lac, ou d’une route, ou d’un parcours donné. On dit aussi, philosophiquement parlant : le juste milieu, pour situer les thèses, ou les doctrines morales, qui se maintiennent prudemment à égale distance des conceptions extrêmes, en s’efforçant de les concilier. En physique, est dénommé milieu tout corps fluide ou solide pouvant, à l’exemple de l’air ou de l’eau, être traversé par d’autres corps. Par extension, le milieu, du point de vue sociologique, est représenté, non seulement par la société dans laquelle se meut un individu, mais encore par l’ensemble des circonstances ayant contribué à faire de cet individu ce qu’il est, au moment où se porte sur lui notre examen.

Quand les déterministes affirment que l’individu est le produit de son milieu, ils entendent par là que la constitution de son être, au physique et au moral, et toutes les manifestations de son être, sont le résultat de la combinaison de trois facteurs importants : l’hérédité, l’éducation et l’adaptation. Si l’on considère, en effet, un homme appartenant à la plus basse catégorie sociale, tel un criminel endurci, bestial et illettré, on découvre ordinairement : 1° Que ses impulsions violentes et son penchant à la paresse sont dus à une dégénérescence de la famille dont il est issu, dégénérescence ayant souvent pour origine l’alcoolisme et l’insuffisante alimentation ; 2° que son enfance et son adolescence, livrées à peu près au hasard, ne bénéficièrent ni des soins spéciaux, ni de l’entourage favorable que son hérédité chargée eût rendus particulièrement nécessaires ; 3° que le dénuement, joint à son incapacité de se plier avec régularité à des travaux exténuants et mal rétribués, l’a conduit à rechercher, dans le rapt brutal, la satisfaction de besoins qu’il aurait pu contenter sans nuire à personne, si la destinée avait été, pour ses ascendants et pour lui plus clémente, et la société humaine moins marâtre. Il est donc possible de dire que, si cet homme était né de parents normaux, s’il avait profité d’une bonne éducation, d’une hygiène et d’une instruction suffisantes, s’il avait pu avec facilité gagner sa vie, grâce à un travail en rapport avec ses aptitudes, son existence aurait pu être, et eût été probablement, toute différente. Cette constatation nous conduit à professer moins d’admiration pour les favorisés de la vie, mais, en revanche, une large indulgence pour les pires actions de ceux qui en sont les déshérités.

Cependant ce serait une grave erreur de croire que seules la misère et la mauvaise éducation sont génératrices d’êtres antisociaux. Bien qu’elles aient à souhait l’utile et le superflu, les classes riches en produisent de plus redoutables, dont les criminalistes ne font point état dans leurs ouvrages. Ces malfaiteurs ont ordinairement pour eux la loi, la faveur des grands, et il est rare qu’ils aient à subir les rigueurs de l’emprisonnement. Ce n’est pas la faim qui les incite, mais le goût passionné d’une puissance toujours accrue, et d’un luxe sans limites. Et pourtant, que sont les méfaits du banditisme vulgaire auprès des exploits de certains financiers qui, pour augmenter encore leurs scandaleuses fortunes, n’hésitent pas à mettre en péril

la sécurité des travailleurs, à frustrer d’un élémentaire bien-être des milliers de familles, ou provoquer les ravages d’une guerre moderne ! On ne peut nier que ces malfaiteurs d’en haut ne soient aussi les produits de leur milieu. Et c’est ce qui complique le problème social, lequel serait relativement simple s’il ne s’agissait que d’assurer à chacun la table et le couvert au prix d’une tâche modérée, pour que l’harmonie régnât parmi les hommes. Aux données philosophiques anciennes de ce problème, il faut adjoindre les possibilités d’une large aisance généralisée, et d’un enseignement moral très sévère qui, dès les premiers ans, atténuera les impulsions des êtres de proie, et disposera ceux qui sont plus modestes et raisonnables à se défendre contre leurs suggestions.

Il ne faut pas oublier que si un homme, puissant ou misérable, étudié isolément, peut être considéré comme déterminé, dans ses actes répréhensibles, par les conditions sociales qu’il est contraint de subir, ce raisonnement ne peut être appliqué à l’humanité tout entière. Il n’est pas, en effet, de loi inique, de coutume barbare, de croyance absurde, d’appareil meurtrier, qui ne soient dû à l’initiative des collectivités humaines, tout au moins de certains hommes, servis, appuyés par ces collectivités, dont ils ne sont pas forcément les tyrans, mais dont ils symbolisent et résument les caractères distinctifs. Le seul milieu dont l’humanité conçue dans son ensemble, puisse être considérée comme le produit, c’est la Nature, qui varie peu. Tout ce qui est d’ordre social est, à toute époque, proportionnel aux besoins, aux passions, aux aspirations plus ou moins généreuses, aux connaissances acquises des groupements humains.

Aussi est-ce du progrès de l’humanité dans son ensemble, en tant que connaissances scientifiques, applications industrielles, ennoblissement physique et moral, que l’on peut attendre seulement une amélioration réelle des conditions de la vie sociale. Mais on ne voit guère l’ensemble de l’humanité s’avancer d’un même pas dans la voie du progrès. C’est une règle communément observée que celle qui consiste en ce que les mieux doués en chaque genre soient appelés, souvent au prix du sacrifice personnel, à servir d’éclaireurs et de pionniers, pour que, grâce à leur effort, soit préparé le milieu social nouveau où se développeront conformément à des normes plus favorables que celles de jadis, ceux qui eussent été incapables d’opérer par eux-mêmes cette substitution. – Jean Marestan.

MILIEU. La notion du milieu, en dehors de son sens géométrique et topographique, s’applique à tout ce qui est en dehors de l’individu, à tout ce qui est distinct de son être. Du point de vue humain, le milieu c’est tout ce qui est en dehors du moi, donc tout ce qui constitue le non moi. Réduite ainsi à une simple désignation de relation de l’être avec ce qui l’entoure cette notion n’aurait que bien peu d’intérêt si, précisément, cette relation ne présentait une importance considérable pour son évolution. En fait, la connaissance exacte de cette relation résume tout la connaissance humaine. L’éternelle opposition de la liberté et du déterminisme (voir ces mots), vient de la négation de l’action efficiente du milieu.

Dans le plan purement abstrait, on peut imaginer un seul des éléments constituant l’univers se mouvant solitairement selon son orientation particulière, sans causes modifiantes objectives. Là, seulement se trouverait la liberté absolue. Mais tout ce que nous savons de la constitution des mondes nous montre la quantité inimaginable de ces éléments le constituant. Comme ces éléments se heurtent en se mouvant, il y a perpétuellement modification de leurs directions et conséquemment déterminisme absolu. Autrement dit l’être n’existant point seul est nécessairement modifié par les